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Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm (бесплатная регистрация книга TXT) 📗

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A peine eut-il prononce ces paroles que deux gros chats noirs, d'un bond formidable, sauterent vers lui et s'installerent de part et d'autre du garcon en le regardant d'un air sauvage avec leurs yeux de braise. Quelque temps apres, s'etant rechauffes, ils dirent:

– Si nous jouions aux cartes, camarade?

– Pourquoi pas! repondit-il, mais montrez-moi d'abord vos pattes.

Les chats sortirent leurs griffes.

– Hola! dit-il. Que vos ongles sont longs! attendez! il faut d'abord que je vous les coupe.

Il les prit par la peau du dos, les posa sur l'etau et leur y coinca les pattes.

– J'ai vu vos doigts, dit-il, j'en ai perdu l'envie de jouer aux cartes.

Il les tua et les jeta par la fenetre dans l'eau d'un etang. A peine s'en etait-il ainsi debarrasse que de tous les coins et recoins sortirent des chats et des chiens, tous noirs, tirant des chaines rougies au feu. Il y en avait tant et tant qu'il ne pouvait leur echapper. Ils criaient affreusement, dispersaient les brandons du foyer, pietinaient le feu, essayaient de l'eteindre. Tranquillement, le garcon les regarda faire un moment. Quand il en eut assez, il prit le couteau de ciseleur et dit:

– Deguerpissez, canailles!

Et il se mit a leur taper dessus. Une partie des assaillants s'enfuit; il tua les autres et les jeta dans l'etang. Puis il revint pres du feu, le ranima en soufflant sur les braises et se rechauffa. Bientot, il sentit ses yeux se fermer et eut envie de dormir. Il regarda autour de lui et vit un grand lit, dans un coin.

– Voila ce qu'il me faut, dit-il.

Et il se coucha. Comme il allait s'endormir, le lit se mit de lui-meme a se deplacer et a le promener par tout le chateau.

– Tres bien! dit-il. Plus vite!

Le lit partit derechef comme si une demi-douzaine de chevaux y etaient atteles, passant les portes, montant et descendant les escaliers. Et tout a coup, il versa sens dessus dessous hop! et le garcon se retrouva par terre avec comme une montagne par-dessus lui. Il se debarrassa des couvertures et des oreillers, se faufila de dessous le lit et dit:

– Que ceux qui veulent se promener, se promenent.

Et il se coucha aupres du feu et dormit jusqu'au matin.

Le lendemain, le roi s'en vint au chateau. Quand il vit le garcon etendu sur le sol, il pensa que les fantomes l'avaient tue. Il murmura:

– Quel dommage pour un si bel homme!

Le garcon l'entendit, se leva, et dit:

– Je n'en suis pas encore la!

Le roi s'etonna, se rejouit et lui demanda comment les choses s'etaient passees.

– Tres bien. Voila une nuit d'ecoulee, les autres se passeront bien aussi.

Quand il arriva chez l'aubergiste, celui-ci ouvrit de grands yeux.

– Je n'aurais jamais pense, dit-il, que je te reverrais vivant. As- tu enfin appris a frissonner?

– Non! repondit-il; tout reste sans effet. Si seulement quelqu'un pouvait me dire comment faire!

Pour la deuxieme nuit, il se rendit a nouveau au chateau, s'assit aupres du feu et reprit sa vieille chanson: «Ah! si seulement je pouvais frissonner.» A minuit on entendit des bruits etranges. D'abord doucement, puis toujours plus fort, puis apres un court silence, un grand cri. Et la moitie d'un homme arrivant par la cheminee tomba devant lui.

– Hola! cria-t-il. Il en manqua une moitie. Ca ne suffit pas comme ca!

Le vacarme reprit. On tempetait, on criait. Et la seconde moitie tomba a son tour de la cheminee.

– Attends, dit le garcon; je vais d'abord ranimer le feu pour toi.

Quand il l'eut fait, il regarda a nouveau autour de lui: les deux moities s'etaient rassemblees et un homme d'affreuse mine s'etait assis a la place qu'occupait le jeune homme auparavant.

– Ce n'est pas ce que nous avions convenu, dit-il. Ce tour est a moi!

L'homme voulut l'empecher de s'y asseoir mais il ne s'en laissa pas conter. Il le repoussa avec violence et reprit sa place. Beaucoup d'autres hommes se mirent alors a degringoler de la cheminee les uns apres les autres et ils apportaient neuf tibias et neuf tetes de mort avec lesquels ils se mirent a jouer aux quilles. Le garcon eut envie d'en faire autant.

– Dites, pourrais-je jouer aussi?

– Oui, si tu as de l'argent.

– J'en ai bien assez, repondit-il; mais vos boules ne sont pas rondes.

Il prit les tetes de mort, s'installa a son tour et en fit de vraies boules.

– Comme ca elles rouleront mieux, dit-il. En avant! on va rire!

Il joua et perdit un peu de son argent. Quand sonna une heure, tout avait disparu. Au matin, le roi vint aux renseignements.

– Que t'est-il arrive cette fois-ci? demanda-t-il.

– J'ai joue aux quilles, repondit le garcon, et j'ai perdu quelques deniers.

– Tu n'as donc pas eu peur?

– Eh! non! dit-il, je me suis amuse! Si seulement je savais frissonner!

La troisieme nuit, il s'assit a nouveau sur son tour et dit tristement:

– Si seulement je pouvais frissonner!

Quand il commenca a se faire tard, six hommes immenses entrerent dans la piece portant un cercueil.

– Hi! Hi! Hi! dit le garcon, voila surement mon petit cousin qui est mort il y a quelques jours seulement.

Du doigt, il fit signe au cercueil et s'ecria:

– Viens, petit cousin, viens!

Les hommes poserent la biere sur le sol; il s'en approcha et souleva le couvercle. Un mort y etait allonge. Il lui toucha le visage. Il etait froid comme de la glace.

– Attends, dit-il, je vais te rechauffer un peu. Il alla pres du feu, s'y rechauffa la main et la posa sur la figure du mort. Mais celui-ci restait tout froid. Alors il le sortit du cercueil, s'assit pres du feu et l'installa sur ses genoux en lui frictionnant les bras pour retablir la circulation du sang. Comme cela ne servait a rien, il songea tout a coup qu'il suffit d'etre deux dans un lit pour avoir chaud. Il porta le cadavre sur le lit, le recouvrit et s'allongea a ses cotes. Au bout d'un certain temps, le mort se rechauffa et commenca a bouger.

– Tu vois, petit cousin, dit le jeune homme, ne t'ai-je pas bien rechauffe?

Mais le mort, alors, se leva et s'ecria:

– Maintenant, je vais t'etrangler!

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