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Aventures Et Mesaventures Du Baron De Munchhausen - Burger Gottfried August (книги бесплатно читать без TXT) 📗

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Dieu sait ou nous serions alles, si par bonheur le cable de notre ancre ne se fut rompu, de sorte que la baleine perdit notre vaisseau, et que nous, nous perdimes notre ancre. Lorsque, plusieurs mois apres, nous revinmes en Europe, nous retrouvames la meme baleine presque a la meme place: elle flottait morte, sur l’eau, et mesurait pres d’un demi-mille de long. Nous ne pouvions prendre a bord qu’une petite partie de cette formidable bete: nous mimes donc nos canots a la mer, et nous detachames a grand-peine la tete de la baleine: nous eumes la satisfaction d’y retrouver non seulement notre ancre, mais encore quarante toises de cable qui s’etaient logees dans une dent creuse, placee a la gauche de sa machoire inferieure.

Ce fut l’unique evenement interessant qui marqua notre retour. Mais non! j’en oubliais un qui faillit nous etre fatal a tous. Lorsque, a notre premier voyage, nous fumes entraines par la baleine, notre vaisseau prit une voie d’eau si large que toutes nos pompes n’eussent pu nous empecher de couler bas en une demi-heure. Heureusement j’avais ete le premier a m’apercevoir de l’accident: le trou mesurait au moins un pied de diametre. J’essayai de le boucher par tous les moyens connus, mais en vain: enfin je parvins a sauver ce beau vaisseau et son nombreux equipage par la plus heureuse imagination du monde. Sans prendre le temps de retirer mes culottes, je m’assis intrepidement dans le trou; l’ouverture eut-elle ete beaucoup plus vaste, j’eusse encore reussi a la boucher; vous ne vous en etonnerez pas, messieurs, quand je vous aurai dit que je descends, en lignes paternelle et maternelle, de familles hollandaises, ou au moins westphaliennes. A la verite, ma position sur ce trou etait assez humide, mais j’en fus bientot tire par les soins du charpentier.

CHAPITRE VIII Troisieme aventure de mer.

Un jour, je fus en grand danger de perir dans la Mediterranee. Je me baignais par une belle apres-midi d’ete non loin de Marseille, lorsque je vis un grand poisson s’avancer vers moi, a toute vitesse, la gueule ouverte. Impossible de me sauver, je n’en avais ni le temps ni les moyens. Sans hesiter, je me fis aussi petit que possible; je me pelotonnai en ramenant mes jambes et mes bras contre mon corps: dans cet etat, je me glissai entre les machoires du monstre jusque dans son gosier. Arrive la, je me trouvai plonge dans une obscurite complete, et dans une chaleur qui ne m’etait pas desagreable. Ma presence dans son gosier le genait singulierement, et il n’aurait sans doute pas demande mieux que de se debarrasser de moi: pour lui etre plus insupportable encore, je me mis a marcher, a sauter, a danser, a me demener et a faire mille tours dans ma prison. La gigue ecossaise, entre autres, paraissait lui etre particulierement desagreable: il poussait des cris lamentables, se dressait parfois tout debout en sortant de l’eau a mi-corps. Il fut surpris dans cet exercice par un bateau italien qui accourut, le harponna, et eut raison de lui au bout de quelques minutes. Des qu’on l’eut amene a bord, j’entendis l’equipage qui se concertait sur les moyens de le depecer de facon a en tirer le plus d’huile possible. Comme je comprenais l’italien, je fus pris d’une grande frayeur, craignant d’etre decoupe en compagnie de l’animal. Pour me mettre a l’abri de leurs couteaux, j’allai me placer au centre de l’estomac, ou douze hommes eussent pu tenir aisement; je supposais qu’ils attaqueraient l’ouvrage par les extremites. Mais je fus bientot rassure, car ils commencerent par ouvrir le ventre. Des que je vis poindre un filet de jour, je me mis a crier a plein gosier combien il m’etait agreable de voir ces messieurs et d’etre tire par eux dans une position ou je n’eusse pas tarde a etre etouffe.

Je ne pourrais vous decrire la stupefaction qui se peignit sur tous les visages lorsqu’ils entendirent une voix humaine sortir des entrailles du poisson; leur etonnement ne fit que s’accroitre quand ils en virent emerger un homme completement nu. Bref, messieurs, je leur racontai l’aventure telle que je vous l’ai rapportee; ils en rirent a en mourir.

Apres avoir pris quelque rafraichissement, je me jetai a l’eau pour me laver et je nageai vers la plage, ou je retrouvai mes habits a la place ou je les avais laisses. Si je ne me trompe dans mon calcul, j’etais reste emprisonne environ trois quarts d’heure dans le corps de ce monstre.

CHAPITRE IX Quatrieme aventure de mer.

Lorsque j’etais encore au service de la Turquie, je m’amusais souvent a me promener sur mon yacht de plaisance dans la mer de Marmara, d’ou l’on jouit d’un coup d’?il admirable sur Constantinople et sur le serail du Grand Seigneur. Un matin, que je contemplais la beaute et la serenite du ciel, j’apercus dans l’air un objet rond, gros a peu pres comme une boule de billard, et au-dessous duquel paraissait pendre quelque chose. Je saisis aussitot la meilleure et la plus longue de mes carabines, sans lesquelles je ne sors ni ne voyage jamais; je la chargeai a balles, et je tirai sur l’objet rond, mais je ne l’atteignis pas. Je mis alors double charge: je ne fus pas plus heureux. Enfin, au troisieme coup, je lui envoyai quatre ou cinq balles qui lui firent un trou dans le cote et l’amenerent.

Representez-vous mon etonnement quand je vis tomber, a deux toises a peine de mon bateau, un petit chariot dore, suspendu a un enorme ballon, plus grand que la plus grosse coupole. Dans le chariot se trouvait un homme avec une moitie de mouton roti. Revenu de ma premiere surprise, je formai avec mes gens un cercle autour de ce singulier groupe.

L’homme, qui me sembla un Francais et qui l’etait en effet, portai a la poche de son gilet un couple de belles montres avec des breloques, sur lesquelles etaient peints des portraits de grands seigneurs et de grandes dames. A chacune de ses boutonnieres etait fixee une medaille d’or d’au moins cent ducats, et a chacun de ses doigts brillait une bague precieuse garnie de diamants. Les sacs d’or dont regorgeaient ses poches faisaient trainer jusqu’a terre les basques de son habit.

«Mon Dieu! pensai-je, cet homme doit avoir rendu des services extraordinaires a l’humanite pour que, par la ladrerie qui court, les grands personnages l’aient accable de tant de cadeaux.»

La rapidite de la chute l’avait tellement etourdi, qu’il fut quelque temps avant de pouvoir parler. Il finit cependant par se remettre et raconta ce qui suit:

«Je n’ai pas eu, il est vrai, assez de tete, ni assez de science pour imaginer cette facon de voyager; mais j’ai eu le premier l’idee de m’en servir pour humilier les danseurs de corde et sauteurs ordinaires, et m’elever plus haut qu’eux. Il y a sept ou huit jours – je ne sais au juste, car j’ai perdu la notion du temps -, je fis une ascension a la pointe de Cornouailles, en Angleterre, emportant un mouton, afin de le lancer de haut en bas pour divertir les spectateurs. Malheureusement le vent tourna dix minutes environ apres mon depart, et, au lieu de me mener du cote d’Exeter, ou je comptais descendre, il me poussa vers la mer, au-dessus de laquelle j’ai flotte longtemps a une hauteur incommensurable.

«Je m’applaudis alors de ne pas avoir fait mon tour avec mon mouton; car, le troisieme jour, la faim m’obligea a tuer la pauvre bete. Comme j’avais depasse depuis longtemps la lune, et qu’au bout de soixante-dix heures j’etais arrive si pres du soleil que les sourcils m’en avaient brule, je placai le mouton, prealablement ecorche, du cote ou le soleil donnait avec plus de force, si bien qu’en trois quarts d’heure il fut convenablement roti: c’est de cela que j’ai vecu pendant tout mon voyage.»

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