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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта (книги хорошем качестве бесплатно без регистрации .txt) 📗

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— Je n'en peux plus, souffla-t-elle a Gauthier. Il faut faire quelque chose... Tant pis, tentons le tout pour le tout ! On n'entend plus rien, peut-etre les sentinelles se sont-elles endormies ?

De nouveau, Gauthier regarda. Juste a cet instant, une violente rafale de vent souleva la neige, encore poudreuse, en epais tourbillons.

En meme temps, la lune parut reculer au fond du ciel, absorbee par un epais nuage. La lumiere se fit infiniment plus faible. Gauthier jeta a Catherine un regard rapide.

— Pourrez-vous courir ?

— Je crois que oui.

— Alors, courez... Maintenant !

Il sortit le premier, fit passer les trois autres et, tandis qu'ils devalaient la pente unifiee par la neige, prit le temps de replacer le madrier. Catherine courait aussi vite qu'elle pouvait, mais ses membres glaces etaient douloureux et maladroits. La declivite fuyait trop vite sous ses pieds et son c?ur s'affolait. Entrainee par son elan, elle allait buter contre un arbuste quand Gauthier la rejoignit et, sans preavis, l'enleva de terre.

— Il faut courir plus vite, gronda-t-il, en forcant sa propre course sans souci du poids supplementaire.

Mais, par-dessus son epaule, Catherine vit soudain les traces de leurs pas, trop visibles.

— Nos traces de pas... Ils les verront ! Il faudrait les effacer !

— Nous n'avons pas le temps. Hola, vous deux, marchez dans l'eau un moment puis ressortez la-bas, a ce bouquet d'arbres.

Lui-meme se precipita dans le ruisseau peu profond. La mince couche de glace craqua sous son poids et l'eau glacee rejaillit jusqu'a la jeune femme transie. D'un ?il, Gauthier, tout en courant, surveillait la lune.

Elle ne reapparaissait pas encore, mais n'allait pas tarder. Deja, la lumiere etait plus vive. Ils reprirent pied la ou il l'avait indique. Par chance, un bois de sapins etait proche. Le Normand posa Catherine a terre et se mit a couper une branche.

— Allez jusqu'au bois, dit-il aux trois autres, moi je vais effacer nos traces.

Catherine, Sara et Frere Etienne se haterent vers le bois noir tandis que Gauthier, laissant trainer sa branche, effacait les pas a mesure.

Les fugitifs se jeterent sous l'ombre epaisse des arbres au moment precis ou la lune sortait des nuages. Epuises par l'effort qu'ils venaient de fournir, ils se laisserent tomber sur un tronc abattu pour reprendre souffle. La-bas, Carlat leur apparaissait maintenant dans son ensemble

: le rocher en proue de navire couronne de l'enorme chateau, les enceintes fortifiees, les clochers et les tours et, au pied, le cercle menacant des assaillants. : Catherine envoya une pensee reconnaissante a Hugh Kennedy. Grace a lui, elle etait hors du piege, elle allait pouvoir gagner Angers...

La voix de Gauthier coupa sa meditation.

— Ce n'est pas le moment de songer au repos ! Il y a du chemin a faire avant le jour. Et celui-ci n'est pas tellement loin.

Ils se remirent en route a travers bois. Pour la premiere fois depuis bien longtemps, Catherine replongeait dans la nature, dans le contact intime avec la terre, avec la foret qu'elle avait tant aimee. Elle s'etonnait de retrouver, presque intacte, cette sensation d'intimite avec les grands arbres. Ce n'etait pas la premiere fois qu'elle leur demandait asile et jamais ils ne l'avaient decue. Le sous-bois, ouate de neige, avait un aspect irreel. Le froid y etait moins vif et les sapins qui laissaient trainer presque a ras de terre leurs longues jupes ourlees de blanc avaient un calme majestueux. Dans les clairieres, les flaques de lune faisaient scintiller des milliers de minuscules cristaux et le silence etait celui, simple et doux, de la campagne endormie. La mechancete des hommes, la guerre faisaient treve ici comme au seuil de quelque sanctuaire, ainsi que les souffrances du c?ur. Et Catherine se surprit a songer a ces ermites que l'on rencontre parfois, vivant seuls au fond des grands bois. Tant de beaute pouvait adoucir n'importe quelle souffrance. Sa fatigue, le froid, tout cela avait fait treve. Devant elle, la grande silhouette de Gauthier avancait d'un pas"

regulier, pesant, et elle s'appliquait a mettre ses pas dans les traces profondes qu'il laissait ; les autres faisaient de meme. Le geant appartenait, lui aussi, a la foret dont il etait ne comme n'importe lequel de ces arbres. Il y etait chez lui et la confiance que Catherine avait toujours mise en lui s'en trouvait renforcee. Mais, soudain, il s'arreta, tendant l'oreille et faisant signe aux autres de ne plus bouger. Dans le lointain, les appels stridents d'une trompette se faisaient entendre.

— Le reveil, deja ? fit Catherine. Ya-t-il faire jour ?

— Pas encore. Et ce n'est pas le reveil. Attendez-moi un instant.

Le temps d'un clin d'?il Gauthier avait ceinture le tronc d'un chene et, grimpant avec l'agilite d'un singe, disparut bientot de la vue de ses amis. La trompette sonnait toujours, etouffee, donnant l'exacte mesure du chemin deja parcouru.

— Est-ce le camp, est-ce le chateau ? chuchota Frere Etienne.

— Le chateau n'aurait guere de raison de sonner de la trompe... a moins d'une attaque..., commenca Catherine.

Elle n'alla pas plus loin ; degringolant a toute vitesse, Gauthier tomba comme un boulet entre elle et le petit moine.

— C'est le camp. Il y a un attroupement vers la muraille nord du chateau. Ils ont du voir des traces avec cette damnee lune. J'ai vu des hommes monter a cheval.

— Qu'allons-nous faire ? gemit Sara. Nous ne pouvons guere lutter de vitesse avec les chevaux et s'ils decouvrent nos traces apres le ruisseau... ?

— C'est possible, admit Gauthier. C'est meme probable. Il faut nous separer des maintenant.

Catherine voulut protester, mais il lui imposa silence avec une si ferme autorite qu'elle ne songea pas a protester. N'etait-il pas normal qu'il fut le chef, dans cette aventure ? Deja, il continuait :

— De toute facon nous aurions du le faire au lever du jour. Il vous faut gagner Aurillac, rappelez-vous, dame Catherine, tandis que je rejoindrai Mac Laren. Je vais donc partir, seul... Ils suivront ma trace.

— A moins qu'ils ne suivent la notre, remarqua Sara.

— Non. Car vous allez grimper tous les trois dans cet arbre et vous y tenir caches... jusqu'a ce que vous ayez vu disparaitre nos poursuivants. Soyez tranquilles, je saurai bien les emmener assez loin pour vous permettre de poursuivre votre chemin tranquillement.

Il sembla a Catherine que la magique beaute de la foret venait de s'effacer tout a coup. Se separer de son ami, deja, c'etait chose penible, mais fallait-il de surcroit le savoir en danger, se ronger d'incertitude sur son sort ? Le danger partage est toujours plus facile.

— Mais, fit-elle douloureusement, s'ils te rejoignent, s'ils allaient te...

Elle ne put prononcer le mot. Deux larmes jaillirent de ses yeux et roulerent sur ses joues. La lune les fit briller. Une joie profonde s'etendit sur le large visage du geant.

— Me tuer ? dit-il doucement. Ils ne pourront rien contre moi, dame Catherine. Vous avez pleure pour moi... rien ne peut m'arriver.

Faites ce que je vous dis. Grimpez !

Il la prit a la taille et, sans effort apparent, la posa assise sur une branche. Apres quoi il empoigna Sara, puis le petit moine. Installes ainsi, cote a cote sur cette branche, ils avaient l'air effare de trois moineaux transis. Gauthier se mit a rire.

— Vous avez l'air d'une drole de nichee, comme cela ! L'arbre est facile ! Grimpez le plus haut que vous pourrez et tachez de ne pas faire de bruit. Si je compte bien, avant une heure vous verrez passer les soldats. Ne descendez que lorsque vous les aurez entendus s'eloigner depuis un moment. Courage !

Figes par une crainte instinctive, ils le virent pietiner longuement la neige sur une certaine distance dans la direction qu'il avait choisie pour que les hommes ne s'arretassent point sous le chene, tracer meme un debut de piste dans un autre sens, puis, enfin, avec un grand geste d'adieu, disparaitre en courant dans la direction de Montsalvy.

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