Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (читать книги без .TXT) 📗
— Quand je pense que je voulais pour notre premiere nuit toutes les splendeurs de mon palais, les fleurs les plus rares, le decor le plus fastueux...
et je n'ai su t'offrir, mon pauvre amour, que l'herbe humide et le vent de la nuit ou tu risques de prendre froid. Quel triste amoureux je fais !
— Tu n'en penses pas un mot ! fit Catherine en se blottissant plus etroitement contre lui. D'abord je n'ai pas froid et ensuite quel decor vaut la pleine nature ? Enfin, tu ne pouvais pas deviner en venant que je t'assommerais.
Tous deux se mirent a rire comme des enfants et le cheval, tout pres, hennit pour ne pas etre en reste. Puis le silence retomba sous le bosquet au bord du chemin qui menait a la maison de Mathieu Gautherin.
Mais, malgre l'impatience de Philippe de lui voir regagner Dijon, Catherine dut rester trois ou quatre jours de plus a Marsannay parce qu'elle avait attrape un bon rhume.
— Quelle idee aussi de rester au jardin si tard et de s'y endormir, avait bougonne l'oncle Mathieu en la regardant avaler une bolee de tisane bouillante. Je ne t'ai meme pas entendue rentrer tant il devait etre tard !
Quant a Abou-al-Khayr, il avait baisse modestement la tete pour que Catherine ne vit pas le sourire qui montait a ses yeux vifs. Le petit medecin avait vu, tard dans la nuit, un cavalier redescendre le chemin vers la grande route de Dijon a Beaune et une forme blanche debout au bord du sentier, qui n'etait rentree a la maison qu'apres l'avoir perdu de vue.
Quelques jours plus tard, Catherine de Brazey, eblouissante de beaute, assistait dans la Sainte-Chapelle du palais ducal au mariage de Marguerite de Guyenne et d'Arthur de Richemont. Vetue de velours vert etoile d'or et garni de blanche hermine, elle offrait une eclatante image de jeunesse et de grace. Son teint semblait petri de lumiere, ses yeux rayonnaient sous leurs longs cils courbes, eteignant presque l'eclat des emeraudes, d'une purete d'eau profonde, qui brillaient a son cou et a ses oreilles. Cette parure etait un cadeau de Philippe dont l'amour pour elle se montrait maintenant au grand jour.
La dame de Presles, la maitresse de Philippe, etait repartie, la rage au c?ur, pour les Flandres et Marie de Vaugrigneuse avait ete priee de se retirer dans ses terres pour quelque temps.
Il avait suffi pour cela que le duc surprit une phrase malveillante qui se rapportait a Catherine et sa qualite de filleule de la duchesse douairiere n'avait pas sauve la jeune fille. De meme, chacun avait pu constater le rang occupe par Catherine de Brazey a la chapelle. Il etait notablement plus eleve que celui auquel sa qualite lui donnait droit. Enfin, comment ne pas voir qu'a chaque instant Philippe tournait les yeux vers elle et qu'une flamme semblait alors les traverser ?
Debout parmi les hommes, de l'autre cote de l'allee centrale de la nef, Garin, les bras croises, ne regardait jamais sa femme. Depuis qu'elle etait rentree de Marsannay, il avait eu envers elle une attitude parfaitement courtoise mais froide. Il ne la voyait qu'aux repas et encore n'echangeaient-
ils que des banalites lorsque le medecin maure ne se joignait pas a eux. Avec Abou-al-Khayr, il discutait de sujets scientifiques auxquels la jeune femme ne comprenait rien, mais c'etait seulement a ces moments-la qu'il paraissait s'interesser a quelque chose. Parfois, Catherine croisait son regard. Il le detournait alors tres vite et il etait impossible a la jeune femme d'en sonder les profondeurs.
L'avant-veille du mariage, quand le page de Philippe, le jeune Lannoy, etait venu a l'hotel de Brazey apporter a Catherine la fameuse parure d'emeraudes, Garin traversait le vestibule au moment ou sa femme descendait l'escalier. Il avait donc assiste a la remise du present, mais n'avait marque aucune surprise. Il s'etait contente de repondre au salut respectueux du jeune garcon et avait passe son chemin sans commentaires.
Mais, quand la ceremonie nuptiale tira a sa fin et que les invites se firent face, de part et d'autre de la nef pour former une haie sur le passage du cortege, Catherine croisa enfin le regard de Garin et sursauta. Meme le jour ou il l'avait battue si sauvagement, elle ne lui avait pas vu cette expression de fureur. Il etait bleme et un tic nerveux deformait son visage du cote de sa blessure. Si effrayante etait sa figure que Catherine, troublee, detourna la tete avec un involontaire frisson. Cette fois, elle eut, tres nette, l'impression que Garin la haissait. Car c'etait bien de la haine qui enfievrait son ?il unique. Mais la nouvelle comtesse de Richemont, toute rose d'emoi sous son voile, s'avancait, la main dans celle de son epoux, et Catherine plongea dans une reverence qui la delivra de ce bref cauchemar. Quand elle se releva, Garin avait disparu dans la foule et, sur les pas du cortege, les invites se dirigeaient vers la sortie sous les clameurs dechainees de l'orgue. La ceremonie avait ete longue et tout le monde avait faim. On se precipitait vers le festin prepare.
Catherine n'avait pas d'appetit. Elle se dirigea lentement vers la grande salle, flanant un peu le long de la galerie pour regarder, par les fenetres, les dernieres roses dans le jardin et les evolutions du marsouin de la duchesse Marguerite. Elle n'avait aucune envie de se mettre a table car son rang la placait tout de meme assez loin de Philippe. Ermengarde, demeuree aupres de Marguerite, de plus en plus malade, ne paraitrait pas non plus et le recent regard de son epoux lui otait toute envie de le retrouver immediatement.
La grande galerie se vidait rapidement. En depassant Catherine, les courtisans la saluaient mais ne s'en hataient pas moins. Comme la jeune femme passait en face d'une des portes donnant sur les appartements prives de la famille ducale, portes gardees chacune par deux archers, celle-ci s'ouvrit, livrant passage a un homme jeune et vigoureux, tout vetu de vert.
C'etait l'un des chevaucheurs de la Grande Ecurie, revenant sans doute de prendre un ordre de la duchesse, car il glissait un parchemin sous son tabard armorie. Il ne regardait aucun de ceux qui se trouvaient dans la galerie. Il allait seulement la traverser pour gagner soit le grand escalier de la tour Neuve, soit, au-dela, celui qui menait aux etuves et aux ecuries. Mais le visage de Catherine s'etait eclaire et elle se hata de tourner le dos a la salle du festin pour se lancer sur sa trace parce qu'elle venait de reconnaitre Landry, son ami d'enfance. Depuis qu'elle l'avait apercu chez la duchesse, au jour de sa presentation, elle n'avait pu, malgre le tres vif desir qu'elle en avait, joindre le chevaucheur ducal. Cette fois, il ne lui echapperait pas !
Elle le rattrapa juste comme il allait s'engager dans le grand degre de pierre. L'escalier etait vide. Elle l'appela :
— Landry... Attends-moi !
Il s'arreta net, mais ce fut tres lentement qu'il lui fit face. Aucun sourire, aucun signe de reconnaissance n'eclairait son visage ferme.
— Que desirez-vous, Madame ?
Le visage tout anime, les yeux brillants de joie, elle le rejoignit, se placa entre l'escalier et lui afin qu'il put la voir en pleine lumiere. Elle se mit a rire.
— Madame ? Voyons, Landry, ne me dis pas que tu ne me reconnais pas
? Aurais-je donc tellement change, en dix ans ? Ou bien as-tu perdu la memoire ? Toi, tu es toujours le meme... seulement plus grand et plus fort.
Mais tu as l'air d'avoir toujours aussi mauvais caractere.
A sa grande surprise, Landry ne sourcilla pas. Il se contenta de hocher la tete.
— Vous me faites beaucoup d'honneur, noble dame. Ma memoire est, je crois, excellente, pourtant je ne me souviens pas vous avoir jamais rencontree...
— Alors, c'est que j'ai vraiment beaucoup change, fit Catherine avec bonne humeur. Tres bien, dans ce cas, je vais te rafraichir la memoire. As-tu donc oublie le Pont-au-Change et la Cour des Miracles, et l'emeute de l'hotel Saint-Pol ? As-tu oublie Catherine Legoix, ta petite amie de jadis ?