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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно .txt) 📗

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comme d'ailleurs il le faisait toujours parce qu'il etait parfaitement incapable de refuser quoi que ce soit a sa ravissante niece. Et le brave homme avait galamment souligne sa defaite en offrant a son gentil vainqueur une merveilleuse coiffure de dentelles blanches et des epingles d'or pour la fixer.

Las de parler aux murs de sa chambre ou de se pencher a la fenetre pour morigener ses valets occupes a charger des mules avec ses dernieres acquisitions, Mathieu Gautherin entra chez sa niece. La trouvant si peu avancee dans sa toilette, et a demi passee par la fenetre, il eclata :

— Comment ! Tu n'en es que la ? La procession va quitter la basilique dans quelques minutes et toi tu n'es meme pas coiffee.

Catherine se retourna vers son oncle, le vit plante au milieu de la piece, bras croises, jambes ecartees et le chaperon de travers sur sa grosse figure rouge d'indignation, elle courut se pendre a son cou, lui planta sur les joues une foule de petits baisers, traitement que Maitre Mathieu appreciait infiniment, meme s'il se fut fait couper un bras plutot que de l'avouer.

— J'en ai pour une minute, mon oncle. Mais tout est si beau ce matin !

— Peuh ! On dirait que tu n'as jamais vu une procession.

— Je n'ai pas encore vu celle-la. Et je n'ai surtout jamais vu autant de beaux atours dans une seule rue. Il n'y a pas une femme qui ne porte velours, satin ou cendal1, voire brocart. Toutes ont des dentelles, des bijoux, meme celles qui criaient hier encore le poisson sous la Water-Halle !

Tout en parlant, Catherine activait sa toilette. Elle enfila vivement une longue robe de cendal bleu pale qui se relevait legerement devant pour laisser voir une jupe blanche finement rayee d'argent, assortie a la gorgerette que montrait la profonde echancrure pointue de la robe.

Puis, vivement, elle natta et releva ses cheveux, ajusta dessus l'escoffion de dentelle en forme de croissant dont une barbe passait sous son menton, soulignant l'ovale du visage. Apres quoi, elle se tourna vers son oncle.

— Comment suis-je ?

La question etait superflue. Le regard plein d'affection de Mathieu refletait la beaute de Catherine aussi bien qu'un miroir. Car, la prediction de Sara s'etait realisee. A vingt et un ans, la jeune fille etait la plus ravissante creature qui se puisse voir. Ses yeux, immenses et changeants, eclairaient son visage ou les taches de rousseur avaient fait place a un joli teint veloute, rose et dore evoquant irresistiblement les petales d'une rose the. Quant aux longs cheveux d'or de la jeune fille, ils faisaient toujours l'admiration de tous. Pas tres grande, Catherine avait un corps parlait. Ses proportions, sa grace et ses formes a la fois pleines et delicates, avaient de quoi ravir le peintre le plus exigeant. Et c'etait le grand desespoir de Mathieu Gautherin, de sa s?ur Jacquette et de tous les membres de la famille que Catherine qui trainait

I. Sorte de taffetas leger.

apres elle, depuis l'age de seize ans, une longue file de c?urs masculins, refusat toujours aussi energiquement de se marier. Il semblait que son pouvoir sur les hommes l'amusat seulement, et meme l'irritat un peu.

— Tu es la jeunesse et le printemps en personne, fit Mathieu sincere, il est seulement dommage qu'aucun gentil garcon n'ait le droit d'esperer en etre un jour le maitre...

— Je ne vois pas en quoi j'y gagnerais. Apres le mariage, la beaute des femmes se fane et perd de son eclat.

Mathieu leva les bras au ciel.

— Quel raisonnement ! Mais, malheureuse...

— Mon oncle, coupa gentiment Catherine, nous allons etre en retard.

Tous deux sortirent de la chambre. Dans la cour de l'auberge ou les servantes chargees de plats et de volailles couraient de cote et d'autre en faisant voler leur coiffe, Mathieu fit encore quelques recommandations a ses valets, leur intima l'ordre de rester veiller sur les chargements, de ne pas aller boire au cabaret et leur promit les pires chatiments s'ils enfreignaient ses ordres. Puis, salues bien bas par Maitre Cornelis, l'oncle et la niece se retrouverent dans la rue.

La foule s'entassait a mesure qu'elle arrivait, sur la place du bourg, devant la basilique du Saint-Sang.

En approchant des Halles, Mathieu et sa niece eprouverent de grandes difficultes a avancer. Insensible au leger remous que sa beaute soulevait sur son passage, Catherine marchait le nez en l'air, avide de ne rien laisser echapper du spectacle.

Les riches maisons de la place, peintes et enluminees comme des images de missel, disparaissaient presque sous des flots de soieries multicolores, des tapisseries precieuses, tissees de soie, d'or et d'argent, sorties pour la circonstance de l'ombre des demeures.

pour briller au soleil de la rue. Des guirlandes de fleurs couraient d'une maison a l'autre et, sur le chemin qu'allait suivre la procession, un epais tapis d'herbes fraiches, de roses rouges et de violettes blanches, recouvrait les gros paves inegaux. Devant les maisons, on avait sorti, sur des dressoirs recouverts de brocarts et de velours rouges ou blancs, les tresors d'orfevrerie des familles. Coupes, hanaps, plats d'or ou d'argent, sertis de pierres fines ou ciseles en dentelle, temoignaient de la richesse de la maison et s'offraient au regard admiratif des passants, gardes toutefois par de solides valets.

Malgre ses efforts, Catherine ne put meme pas entrevoir la vieille basilique romane ou dormait l'insigne relique. La foret de bannieres, de flammes de soie brodees, de pennons barioles, dansant au bout des lances des seigneurs flamands formait comme un champ de fleurs balancees par le vent et cachait l'eglise. Les portes, grandes ouvertes, laissaient s'echapper des flots d'harmonie, des cantiques clames par de solides gosiers flamands sur fond d'orgues rugissantes. Il fallut s'en contenter !

Apres de valeureux efforts, l'oncle et la niece parvinrent a s'installer a l'angle des halles, l'un des meilleurs endroits. Situee en face du Palais Ducal, cette encoignure permettait d'avoir une vue d'ensemble sur la vaste place du marche et sur celle du bourg. Deux commeres qui s'etaient prises de querelle pour une obscure histoire de coiffe pretee et non rendue, et que les archers avaient du separer, avaient cree un trou dans la foule, lequel trou avait ete aussitot exploite par Mathieu.

Il avait pu s'assurer ainsi la possession de la borne d'angle des Halles qui leur permettrait, le moment venu, de se hausser un peu au dessus de la mer humaine pour voir passer le Saint- Sang. Le precedent locataire de la borne, un long personnage vetu de velours safran et dote d'une figure morose, toute en ligne descendante, avait bien voulu se pousser un peu pour faire place a la jeune fille. Il avait meme plisse les levres en une grimace aimable pouvant a la rigueur, passer pour un sourire.

Ses vetements, ourles de petit-gris et d'une legere broderie d'argent, etaient d'une certaine elegance, mais une desagreable odeur de sueur s'en degageait et Catherine s'arrangea pour mettre quelque distance entre elle et l'obligeant bourgeois. Mathieu, lui, n'avait pas de ces delicatesses. Il entama aussitot une conversation animee avec son voisin. C'etait un pelletier venu de Gand pour s'approvisionner dans les comptoirs de la Hanse allemande en fourrures de Russie et de Bulgarie, mais ses discours manquaient de nettete. De toute evidence, la vue de la jeune fille lui donnait des distractions. Il la regardait avec obstination. Desagreablement impressionnee par ce regard trop fixe, Catherine decida de n'y point preter attention. La foule bariolee qui encombrait la place offrait suffisamment de distractions car les dix-sept nations de marchands ayant des entrepots dans la grande cite marchande s'y coudoyaient. Les cafetans crasseux, mais ornes de fourrures sans prix, des Russes y frolaient les robes raides de broderies des Byzantins. Les draps severes, mais cossus, des Anglais voisinaient avec les velours ciseles, les brocarts chatoyants des marchands de Venise ou de Florence dont la somptuosite faisait un peu nouveau riche et attirait les tire- laine comme le miel attire les mouches. Un enorme turban de satin jaune, rond comme une citrouille et pare d'une aigrette blanche, en fusee, naviguait meme au-dessus des tetes, signalant un Turc a la curiosite generale. Enfin, vers le fond du Marche, des baladins avaient tendu des cordes au-dessus de la foule et un maigre garcon, moule dans un maillot rouge vif, se promenait nonchalamment a la hauteur d'un premier etage, un long balancier entre les mains.

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