Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно .txt) 📗
Leur travail termine, les suivantes se retirerent sur un geste de Sara qui entendait mener seule la suite des operations.
— Que vais-je mettre ? demanda Catherine, l'?il interrogateur, lorsqu'elles furent sorties.
— Tu mettras ce que je te dirai de mettre, fit Sara, tres occupee a relever maintenant les cheveux de la jeune femme sur le dessus de sa tete.
Elle les emprisonna, tout en haut, dans un bracelet d'or garni de turquoises puis les laissa aller, formant une longue et brillante queue de cheval. Visiblement, elle prenait un tres grand plaisir a son travail et souriait d'un air mysterieux.
Quelques minutes plus tard, Catherine, un flambeau a la main, quittait sa chambre. Elle savait par Perrine, envoyee aux nouvelles, que Garin n'avait pas encore regagne son appartement. Il s'attardait chez Abou-al-Khayr a parler medecine... Enveloppee d'une grande mante de taffetas bleu-vert doublee de lievre gris pale, ses pieds nus passes dans des mules assorties, la jeune femme se hatait le long des couloirs. Elle voulait arriver chez Garin avant lui.
Lorsqu'elle atteignit la grande porte de chene qui fermait la chambre de son mari, aucune lumiere ne filtrait dessous. Elle appuya la main sur le vantail, la porte s'ouvrit revelant l'obscurite de la chambre.
Levant son flambeau, Catherine fit quelques pas dans la piece vide puis referma tres vite la porte. Tout allait bien...
Elle en fit le tour, allumant les flambeaux prepares par le valet de chambre a la flamme de sa propre chandelle. .Bientot, la grande piece somptueuse se mit a vivre sous les lumieres. Le fauteuil d'argent et de cristal brillait comme un joyau mais ce fut le lit qui l'attira.
Lentement, presque craintivement, elle gravit les deux marches de velours violet, puis resta la, regardant la severe et fastueuse couche.
Germain, le valet, avait fait la couverture et elle hesita un instant a se glisser dans les draps de soie violette. Mais, se rappelant les recommandations de Sara, elle prefera demeurer debout la ou elle etait. D'ailleurs, un pas rapide s'approchait dans la galerie...
Lorsque Garin ouvrit la porte de sa chambre, la premiere chose qu'il vit fut Catherine, debout aupres du lit, drapee dans la soie changeante de son manteau, qui le regardait, la tete fierement levee. Son regard la quitta un instant pour faire le tour de la chambre illuminee, puis revint a elle, sans cacher sa surprise.
— Que faites-vous ici ?
Sans repondre, avec seulement un sourire de defi, elle laissa le manteau glisser a ses pieds et apparut, vetue seulement du collier d'or et de turquoise qu'il lui avait donne quelques heures plus tot. Sa fine silhouette se detachait nettement sur le fond sombre du lit avec l'aureole doree de ses cheveux releves qui ne cachaient rien de son long cou flexible, pareille a quelque deesse barbare.
Garin verdit, vacilla comme si une fleche l'avait frappe et s'appuya au mur, fermant les yeux.
— Allez-vous-en... balbutia-t-il d'une voix rauque. Partez... tout de suite !
— Non !
Cette fois, il ne parvenait ni a cacher son trouble profond, ni a retrouver le controle de lui-meme.
Catherine, deja triomphante, percut le desarroi de cet homme, toujours si maitre de lui et en oublia toute pudeur. Sans faire le moindre bruit, sur ses pieds nus, elle s'avanca vers lui, souriante, irresistible.
— Non, je ne partirai pas, repeta-t-elle. Je resterai ici parce que c'est ma place, parce que je suis votre femme. Voyons, Garin, osez donc me regarder ! Avez- vous tellement peur de moi ?
Sans ouvrir les yeux, il murmura :
— Oui ! j'ai peur de vous... N'avez-vous donc pas compris que je ne peux vous toucher, que je n'en ai pas le droit ! Pourquoi des lors m'imposer cette tentation a laquelle je ne peux succomber. Allez-vous-en Catherine, je vous en supplie.
Mais, au lieu de lui obeir, elle vint tout contre lui, glissa ses bras autour de son cou malgre lui, colla son corps au sien, l'enveloppant de son parfum, approchant ses levres du visage bleme de l'homme. Garin, les yeux clos, avait l'air d'un martyr cloue au poteau de supplice.
— Je ne partirai pas avant que vous n'ayez fait de moi votre femme, comme tout vous en donne le droit. Je me moque des ordres de Philippe. Ils sont impies, hors nature et je les refuse. Je suis votre femme et s'il me veut, il devra se contenter de ce que vous m'aurez faite. Regardez-moi, Garin.
Elle l'entendit gemir sourdement et il tenta faiblement de l'ecarter, mais ne put se retenir d'ouvrir les yeux. Il vit alors, tout pres du sien, le ravissant visage tentateur, les levres offertes, les beaux yeux humides et prometteurs. Contre lui, il sentait chaque forme du corps jeune et souple. La deesse d'or de tout a l'heure, qu'il avait crue un moment sortie de son imagination, etait venue a lui, s'offrait a lui, intolerablement desirable. Il perdit la tete...
Enlevant Catherine dans ses bras, il l'emporta en courant jusqu'au lit, la lanca sur la courtepointe de velours plus qu'il ne l'y etendit et se jeta sur elle. L'attaque avait ete si brutale que Catherine retint un cri.
La peur se glissait en elle tout a coup car elle se trouvait prise dans un ouragan de caresses violentes, brutales qui la meurtrissaient. Les mains de Garin la brisaient plus qu'elles ne la caressaient, ses levres la couvraient de baisers devorants qui couraient de ses genoux a sa gorge. Il grondait comme un fauve affame en petrissant la douce chair feminine. Mais le plaisir, peu a peu s'eveillait dans le corps de la jeune femme qui maintenant s'abandonnait a cette folie d'amour qui n'etait pas sans agrement. Elle gemissait doucement sous les mains brutales de Garin mais se rassurait, se tendait d'elle-meme dans l'attente d'une joie plus complete qu'elle pressentait. Ses mains tatonnantes avaient ouvert le pourpoint de Garin, trouve une poitrine maigre et velue, dure comme du bois sec et s'y attardaient... Au-dessus de sa tete renversee le ciel de lit tournoyait. Soudain, elle poussa un cri aigu : les dents de Garin, hors de lui, s'etaient plantees a la naissance de son sein droit...
Ce cri fit sur son mari l'effet d'une douche. Lachant brusquement Catherine, il se redressa, sauta a bas du lit et la regarda d'un air egare.
Il haletait, le visage tres rouge, le regard flamboyant.
— Vous m'avez fait perdre... la tete. Allez-vous-en maintenant. Il le faut.
Elle tendit un bras vers lui pour tenter de le ramener, decue, et furieuse de le sentir echapper encore.
— Non ! Revenez Garin !... Pour l'amour du ciel, oubliez le duc...
Revenez a moi ! Nous pouvons etre heureux ensemble, je l'ai senti !
Mais il repoussait doucement la main tendue, refermait son pourpoint avec des doigts qui tremblaient. Il hocha la tete. Son visage retrouvait sa paleur. Une brusque envie de pleurer secoua Catherine.
Des larmes de colere jaillirent de ses yeux.
— Enfin... pourquoi ? Dites-moi pourquoi ? Je vous plais, je le sens... Vous me desirez aussi, je viens d'en avoir la preuve. Alors pourquoi ?
Lentement, Garin s'assit au bord du lit. Sa main caressa le joli visage en pleurs avec une infinie douceur, se posa sur la tete doree.
Catherine l'entendit soupirer. Elle s'ecria douloureusement :
— Osez dire que vous ne souffrez pas de cette contrainte inhumaine que vous vous imposez, osez le dire ? Je sens que vous etes malheureux. Et pourtant, vous vous obstinez, stupidement, a nous faire mener, a tous deux, une vie ridicule, anormale...
Le regard de Garin, subitement, s'echappa. Abandonnant la forme rose etendue sur le lit, il s'en alla vers les ombres de la piece. A nouveau, il soupira. Sa voix se chargea d'une etrange douceur ou passait une souffrance cachee et d'autant plus poignante.
« J'en ai telle peine au c?ur » murmura-t-il. « La vie etait si belle jadis ! Telle peine que mon rire dut se changer en pleurs ! Jusqu'aux oiseaux des bois qu'afflige notre plainte ! Belle merveille que j'en perde courage ! Mais que dis-je, pauvre sot, dans le feu de ma ranc?ur ? Qui cherche la joie ici-bas, il l'a perdue ailleurs helas, a jamais helas !... »