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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно .txt) 📗

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Catherine avait regarde avec interet le prince breton sans trop savoir pourquoi. Il etait l'un de ces hommes qu'on ne peut voir sans souhaiter, aussitot, en faire un ami tant on les sent solides et vrais dans leurs affections. Par contre, elle n'avait eu qu'un regard indifferent pour l'Anglais et ceux de sa suite. Les trois ducs, apres s'etre copieusement embrasses, venaient de prendre place sous le dais et une troupe de danseurs, portant de fantastiques costumes rouges et or qui etaient censes representer des Sarrasins, s'elancerent pour executer une danse guerriere en brandissant des sabres courbes et des lances. En meme temps des serviteurs faisaient circuler des gobelets de vin et des fruits confits pour permettre aux invites d'attendre le festin qui aurait lieu un peu plus tard.

Le spectacle n'interessait Catherine qu'a moitie. Elle etait lasse et, a l'endroit ou posait le diamant noir sur son front, elle eprouvait une douleur vague, comme si la pierre creusait sa chair. Elle souhaitait se retirer apres l'arrivee des princesses qui ne devaient guere tarder... Le duc, assis sur son trone, tournait continuellement ses yeux vers elle tout en causant avec Bedford, mais cette attention l'agacait plus qu'elle ne la flattait. Tout aussi penibles lui etaient les nombreux regards toujours attaches a elle.

Une nouvelle sonnerie de trompettes annonca les princesses. Elles arriverent ensemble, identiquement vetues d'argent, leurs longues traines portees par de petits pages en velours bleu et satin blanc.

Derriere elles, ecarlate et satisfaite, venait dame Ermengarde. La Grande Maitresse faisait planer sur l'assemblee un regard olympien.

Ce regard, elle l'arreta sur Catherine et la jeune femme y lut un sourire complice auquel elle repondit. Dans les grandes fetes, dame Ermengarde appreciait surtout le souper et Catherine n'ignorait pas qu'elle se delectait d'avance, comme une grosse chatte, du repas qu'elle allait faire.

— Le duc ayant presente chacune de ses s?urs a son futur epoux, le maitre des Ceremonies allait s'avancer pour former le cortege vers la salle de festin quand un heraut d'armes apparut sur le seuil de la porte, sonna de la trompette et, d'une voix claire, lanca : Un chevalier inconnu, qui refuse de dire son nom, demande a etre recu dans l'instant par Monseigneur.

Les conversations s'arreterent. A nouveau ce fut le silence. La voix de Philippe le Bon s'eleva :

— Que veut ce chevalier ? Et pourquoi a cette heure et au milieu d'une fete ?

— Je l'ignore, Monseigneur, mais il insiste pour parler a vous et cela tout justement au sein de la fete. Il jure sur l'honneur qu'il est de sang noble et digne d'etre entendu...

Le procede etait pour le moins surprenant et battait en breche le protocole, mais le duc ne detestait pas la nouveaute. Ceci etait etrange, inattendu au milieu d'un bal... Sans doute l'attention aimable d'un grand vassal desireux de rehausser l'eclat de la fete. Cette obstination a cacher son identite devait dissimuler une surprise. Il leva la main, en souriant et ordonna :

— Que l'on nous amene donc, en ce cas, le chevalier mysterieux...

Gageons que c'est la quelque galanterie de l'un de nos feaux sujets qui reserve aux dames et a nous-memes, une joyeuse surprise...

Un murmure satisfait salua cet ordre. L'arrivant qui se cachait ainsi soulevait une vive curiosite. Sans doute allait-on voir apparaitre un magnifique cavalier portant un costume somptueux qui viendrait sous le masque d'un paladin d'autrefois dire des vers d'amour ou offrir au duc un galant compliment... Mais quand le chevalier mysterieux parut, le brouhaha s'arreta net.

Dans le cadre des portes ouvertes, en armure d'acier noir, il s'erigeait comme une statue funebre. Noir, l'epervier battant de l'aile au timbre de son heaume, noires les armes qu'il portait et qui n'etaient certes pas des armes courtoises, mais bien des armes de guerre. Ventaille baissee, silencieux, sinistre, il regardait l'etincelante compagnie. Il tendit a un garde la lourde epee qu'il tenait puis, lentement il s'avanca vers le trone, au milieu de la stupeur generale. Dans le grand silence, le claquement des solerets de fer sur les dalles resonnait comme un glas. Le sourire s'etait efface des levres de Philippe et chacun retenait son souffle.

Le chevalier noir avancait toujours, d'un pas lourd qui avait l'implacable mecanisme du destin. Au pied du trone, il s'arreta. Le geste qu'il fit alors fut aussi violent qu'imprevisible.

Arrachant son gantelet droit, il le jeta brutalement aux pieds de Philippe qui bondit, bleme soudain de colere. L'assistance gronda.

— Comment osez-vous ? Et qui etes-vous ? Gardes... Demasquez cet homme ! aboya Philippe blanc de rage.

— Inutile !...

Sans se presser le chevalier portait les mains a son casque. Sans savoir pourquoi, le c?ur de Catherine s'etait mis a battre a tout rompre. Le sang, lentement, desertait son visage, ses mains. Une angoisse montait... Elle atteignit sa gorge, eclata dans un cri, vite etouffe sous les deux mains de la jeune femme. Le chevalier venait d'oter son heaume. C'etait Arnaud de Montsalvy.

Hautain et meprisant, il se tenait droit au pied du trone, le casque a l'epervier loge sous son bras gauche. Son regard sombre monta audacieusement jusqu'a celui de Philippe, s'y accrocha.

— Moi, Arnaud de Montsalvy, seigneur de la Chataigneraie et capitaine du roi Charles, septieme du nom, que Dieu veuille garder, je suis venu vers toi, Duc de Bourgogne, pour te porter mon gage de bataille. Comme traitre et felon je te defie en champ clos, au jour et a l'heure qui te plairont et avec les armes de ton choix. Je reclame le combat a outrance...

Un veritable rugissement accueillit ce discours que la voix sonore d'Arnaud avait envoye aux quatre coins de la salle. Un cercle menacant se formait deja derriere le jeune homme. Des seigneurs tiraient de leurs fourreaux les dagues legeres qu'ils portaient et qui eussent ete bien inefficaces contre une armure de bataille. Mais le c?ur de Catherine defaillit de peur. Pourtant, d'un geste de sa main levee, Philippe de Bourgogne avait fait taire ses courtisans. La colere, peu a peu, s'effacait de son visage, laissant place a la curiosite. Il se rassit, se pencha en avant.

— Tu ne manques pas d'audace, seigneur de Montsalvy. Pourquoi dis-tu que je suis traitre et felon ? Pourquoi ce defi ?

Arrogant comme un coq de combat, Arnaud haussa les epaules.

— La reponse a ces questions est inscrite sur les armes de ton principal invite, seigneur Philippe de Valois. C'est la rose rouge des Lancastre que je vois ici, c'est l'Anglais que tu traites en frere, a qui tu donnes ta s?ur. Et tu me demandes en quoi tu trahis ton pays, prince francais qui recoit l'ennemi sous son toit ?...

— Je n'ai pas a discuter ma politique avec le premier venu.

— Il ne s'agit pas de politique, mais d'honneur. Tu es vassal du roi de France et tu le sais bien ! Je t'ai lance un defi, le releves-tu ou bien dois-je de surcroit te traiter de lache ?

Le jeune homme se baissait deja pour reprendre son gantelet. Un geste du Duc l'arreta.

— Laisse !... le gant est jete, tu n'as plus loisir de le reprendre.

Un mauvais sourire fit etinceler un instant les dents blanches d'Arnaud. Mais le Duc poursuivait :

— Pourtant, un prince regnant ne peut se mesurer en champ clos avec un simple chevalier. Notre champion relevera donc le gage lance.

Un eclat de rire insolent lui coupa la parole. Catherine vit se crisper les doigts de Philippe sur les bras de son siege. Il se leva.

— Sais-tu que je pourrais te faire saisir par mes gens,-jeter en quelque basse-fosse...

Arnaud renonca soudain a tutoyer le duc :

— Vous pourriez aussi, seigneur duc, m'opposer dans le champ tous vos escadrons. Mais ce ne serait pas non plus vous conduire en chevalier. Sur le champ de mort d'Azincourt, ou toute la noblesse de France tint a honneur de rompre les lances, sauf vous et votre noble pere, plus d'un prince croisa l'epee avec plus simple gentilhomme que moi.

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