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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (читать книги без .TXT) 📗

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L'aspect de l'homme dirigea ses soupcons vers le jeune et charmant capitaine des gardes qui se troublait si visiblement en sa presence. Elle pensa : il faut que j'en aie le c?ur net !

Vers l'heure de sexte1, elle se rendit au Palais Ducal pour prendre son service aupres de la duchesse Marguerite. Cette fois, un mendiant sale et deguenille etait attache a ses pas et la suivit presque jusqu'au corps de garde, mais elle n'y preta pas autrement attention, entra au palais sans faire mine de l'avoir vu et monta chez la duchesse. Celle-ci venait de s'endormir, apres un leger repas, engourdie par la chaleur de ce jour d'ete, et Catherine ne trouva qu'Ermengarde qui, d'ailleurs, s'appretait visiblement a en faire autant. La Grande Maitresse avait du mal a tenir les yeux ouverts.

— Si vous voulez faire un somme en notre auguste compagnie, dit-elle a Catherine, en etouffant un baillement derriere sa belle main blanche, je n'y vois aucun inconvenient. Mais dans le cas contraire, allez donc profiter du soleil et revenez plus tard. Son Altesse dormira bien jusqu'apres none2.

Enchantee de l'occasion qui lui permettait de mettre tout de suite a execution le plan prepare a l'avance et qu'elle avait espere realiser en sortant de son service, Catherine la remercia et la quitta en disant qu'elle irait, dans ce cas, s'installer au jardin pour s'y reposer a l'air. Elle descendit, erra un moment dans les allees pavees qui entouraient le bassin ou nageaient des poissons et les arabesques de petit buis formant massif, respira, aux arceaux fleuris, les roses rouges qu'affectionnait la duchesse Marguerite, puis obliqua resolument vers les dependances du palais ou etaient loges les soldats et ou le capitaine des gardes avait sa chambre.

— Midi.

— Trois heures.

La chaleur etait intense. Des mouches et des guepes bourdonnaient un peu partout. Appuyes sur leur lance, le casque de travers, les gardes du palais dormaient debout. Catherine parvint sans difficulte a l'escalier qui menait chez Jacques de Roussay. Il y regnait Une temperature de four, parce que les garnitures de plomb des toitures chauffaient comme l'enfer. La jeune femme sentit la sueur couler le long de son corps, cependant a l'aise dans une legere robe de candal vert pomme raye d'argent, d'une couleur acide et fraiche comme l'eau d'une fontaine. Ses cheveux etaient simplement roules sur les oreilles et emprisonnes dans deux resilles d'argent retenues par un fil mince d'ou pendait, au milieu du front, une perle en poire.

Dans l'escalier, un bruit de voix frappa ses oreilles et ralentit son pas. Elle reconnut celle de Jacques de Roussay. A cause de la chaleur, il avait du laisser la porte de sa chambre ouverte.

— Laissons maintenant ceci, disait le capitaine. Je vais te dicter une lettre pour Monseigneur. Voici au moins deux jours qu'elle devrait etre ecrite et je ne peux differer plus longtemps car un chevaucheur part ce soir pour Gand. Il est vrai qu'il y a si peu a dire ! ajouta-t-il avec un soupir. Tu y es ?

— J'y suis ! fit une voix inconnue de Catherine.

Celle-ci, poussee par une irrepressible curiosite,

s'etait arretee sur la derniere marche de l'escalier, juste avant le tournant d'ou elle eut ete visible. Son instinct lui disait qu'elle allait entendre des choses interessantes.

« Tres illustre et tres puissant Seigneur,dictait Jacques, j'implore le pardon de Votre Altesse si mes lettres ne sont pas plus frequentes, mais je la supplie de considerer que je n'ai, heureusement ou malheureusement, rien de bien interessant a lui apprendre. La surveillance discrete que je fais exercer autour de la dame de Brazey... »

— Tu y es ou bien est-ce que je dicte trop vite ?

Sur son escalier, Catherine sentit la colere chatouiller sa gorge en meme temps qu'une espece de satisfaction d'avoir devine si juste. « C'etait donc bien lui ! pensa-t-elle. Oh, le petit miserable ! Surveillance discrete ?

Vraiment ? Si toute la rue ne s'est pas apercue qu'il me surveillait c'est que j'ai de la chance. Voyons la suite de cette belle epitre. »

— ... autour de la dame de Brazey, anonnait l'invisible scribe.

«... me parait reellement sans objet. Elle mene la vie la plus reguliere, la plus rangee, ne voit que sa mere, son oncle et la famille de Champdivers.

Elle n'accepte ni ne lance aucune invitation et, hormis les visites aux personnes precitees, ne sort de chez elle que pour se rendre aux offices de l'eglise Notre- Dame... »

Le capitaine en etait deja aux longues et minutieuses formules de politesse que Catherine n'etait pas encore venue a bout de sa colere. Mais, peu a peu, un sourire remplaca sur ses levres le pli de contrariete tandis qu'une idee naissait dans sa tete. Pour une fois, elle allait s'amuser un peu.

Sans faire le moindre bruit, empechant a deux mains la soie de sa robe de froufrouter, elle redescendit quelques marches a pas de loup quand elle entendit le secretaire de Jacques lui demander s'il n'avait plus besoin de lui.

Puis, lachant sa robe, elle toussota et remonta l'escalier sans se presser en faisant, cette fois, autant de bruit qu'elle pouvait. Le resultat fut qu'en arrivant en vue de la porte, ouverte comme elle l'avait bien pense, de Jacques, elle trouva le jeune homme debout dans l'encadrement.

Vous ? s'ecria-t-il en rougissant jusqu'a la racine de ses cheveux blonds en desordre. Vous, chez moi ?

Catherine lui offrit son plus gracieux sourire et s'avanca la main tendue et arrondie en col de cygne pour qu'il y posat ses levres.

— Pourquoi pas ? fit-elle d'un ton enjoue. Puisque vous ne venez pas me voir, il faut bien que ce soit moi qui vienne ! Savez-vous que je devrais vous en vouloir ? Nous faisons route ensemble pendant des jours, vous ne me quittez pas d'une semelle et, a peine sommes-nous arrives, que vous disparaissez. Je ne vous vois meme plus. Ce n'est pas gentil...

Ecarlate de confusion, Jacques ne savait plus ou se mettre. Derriere lui un petit clerc dont le nez imposant s'ornait de lunettes tendait le cou pour voir au-dela des larges epaules du jeune homme.

— Je ne vous derange pas, au moins ? ajouta Catherine, s'avancant encore pour bien montrer qu'elle voulait entrer.

Jacques s'effaca devant elle et le petit clerc se confondit en reverences, en declarant qu'il se sauvait tout de suite.

— Vous ne me derangez pas du tout, bredouilla enfin le pauvre capitaine.

Je... je... je viens d'ecrire a ma mere et le pere Augustin que voila me prete sa plume, exercice auquel je ne suis pas tres fort.

— Je sais, fit Catherine avec un nouveau sourire. Vous etes un vaillant, vous preferez l'epee. Mais c'est tout a fait charmant chez vous... tout a fait charmant !

En fait, il y regnait un affreux desordre. Les meubles etaient beaux et les tentures fraiches, mais des vetements, des armes et des flacons trainaient un peu partout. Sur la table, ou le clerc avait du ecrire la lettre, il y avait des papiers voisinant avec des gobelets salis et un pichet de vin dont la terre poreuse, tout embuee de gouttelettes, disait qu'il etait au puits peu de temps auparavant. Le lit, ouvert, n'avait pas ete fait, mais Catherine detourna vertueusement son regard d'un spectacle aussi choquant. Et, malgre la petite fenetre ouverte sur la cour des ecuries, il faisait tres, tres chaud.

— C'est tout a fait indigne de vous ! s'ecria le jeune homme qui reprenait pied. Et ma tenue...

— Laissez donc. Vous etes tres bien ainsi. Par cette chaleur...

Le capitaine, en effet, n'etait vetu que de chausses vertes, collantes, et d'une chemise de fine toile ouverte sur sa poitrine jusqu'a la taille. Mais Catherine se dit qu'elle l'aimait mieux ainsi que sous ses uniformes de parade ou sous l'armure. Il avait dans cette tenue negligee l'air sain et vigoureux d'un jeune paysan et, s'il sentait un peu le vin et la sueur, ce n'etait pas au point que ce fut desagreable. Et, a propos de vin, Catherine avisa soudain le pichet :

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