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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно .txt) 📗

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quel impitoyable seigneur etait Jean de Luxembourg, general en chef des armees bourguignonnes. Pour le moment, il regardait les deux chevaliers avec l'expression du chat qui s'apprete a croquer des souris.

Mais, si inquietante que fut son expression, elle ne sembla emouvoir ni Arnaud ni Xaintrailles. Celui-ci, de sa voix goguenarde, apostrophait le Bourguignon :

— Le seigneur de Luxembourg ? he, qu'est-ce qui nous vaut l'honneur ?

Luxembourg quitta sa pose nonchalante et s'avanca de quelques pas, suivi de ses hommes. L'un apres l'autre, ceux-ci franchissaient la porte et se postaient dans la tente, armes menacantes, cernant les deux hommes et la jeune femme sur qui glissa le regard du chef.

— Il semble, messeigneurs, que vous vous soyez attardes plus que de raison, fit-il avec un violent accent nordique. Messire de Buchant et ses hommes galopent depuis longtemps sur la route de Guise...

— C'est faux ! lanca Arnaud avec force. Jamais le connetable ne nous aurait abandonnes ainsi...

Luxembourg se mit a rire et ce rire glaca le sang dans les veines de Catherine.

— A vrai dire... Il croit bien galoper a votre suite. Nous lui avons fait croire que vous aviez pris les devants pour rejoindre une dame fort en peine de vous. Quant a ceux qui gardaient cette tente, nous n'avons eu aucune peine a nous en rendre maitres.

— Ce qui veut dire ? interrogea Arnaud avec hauteur.

— Que vous etes mes prisonniers et que je compte vous apprendre le respect qui est du a mon seigneur le duc. Il serait trop facile, en verite, de venir insulter les gens jusque chez eux et, ensuite, de s'en retourner tranquillement.

Fou de rage, Arnaud avait bondi sur son epee et en menacait le Bourguignon, mais quatre hommes se jeterent sur lui, le maitriserent promptement, tandis que les quatre autres, avec un bel ensemble, tombaient sur Xaintrailles. Celui-ci les laissa faire avec un superbe detachement.

— Est-ce ainsi, hurla Arnaud, que vous respectez les lois de la chevalerie et celles de l'hospitalite ? Voila donc ce que valent la parole et la sauvegarde de votre maitre.

— Laisse donc, fit Xaintrailles avec mepris, son maitre passe son temps a pleurer comme une femme sur le sort de la chevalerie. Il s'en proclame le plus fidele soutien, mais il marie sa s?ur a l'Anglais. C'est un Bourguignon, cela dit tout ! Nous avons agi comme des fous en nous fiant a la parole de ces gens-la...

Jean de Luxembourg avait pali et levait deja la main pour frapper Xaintrailles, mais Catherine avait bondi et s'interposait.

— Messire, s'ecria-t-elle, savez-vous bien ce que vous faites ?

— Je le sais, Madame, et m'etonne de vous trouver encore ici chez ces gens, vous que notre duc honore de son amour. Pourtant, vous n'avez rien a craindre et je ne lui dirai rien de votre presence ceans. Il est inutile de le chagriner. De plus je vous dois quelques remerciements pour avoir retenu ces messieurs...

La voix furieuse d'Arnaud lui coupa la parole.

— C'etait donc cela ? Voila pourquoi tu es venue ici, avec tes yeux humides et tes mots d'amour, sale petite putain ! Ma parole, j'ai failli te croire, j'ai failli oublier mon frere massacre, ma vengeance et la haine que j'ai voue a tes pareils... tout cela a cause de toi...

Ce n'est pas vrai ! Je te jure que ce n'est pas vrai ! s'ecria Catherine desesperee en se jetant sur le jeune homme que les archers maintenaient par les bras et les epaules. Je t'en conjure, ne crois pas cela, je ne suis pas la maitresse de Philippe, je ne savais pas que l'on te tendait un piege... Tu ne veux pas me croire ? Je t'aime Arnaud !...

Elle voulut glisser ses bras au cou du jeune homme, mais il se raidissait contre elle, relevant le menton pour qu'elle ne put atteindre son visage. Le regard du chevalier fila par-dessus la tete de la jeune femme, atteignit Jean de Luxembourg.

— Sire Capitaine, fit-il froidement, s'il vous reste seulement l'ombre du respect que vous devez a vos pairs en chevalerie, emmenez-nous au plus vite ou bien otez de la cette fille dont votre prince veut bien se contenter, mais dont la veritable place est au bor-del. Je vous prie de me debarrasser de son contact puisque je ne suis pas libre de le faire moi-meme

— C'est trop juste ! repliqua Luxembourg. Otez cette femme de la, vous autres, et emmenez les prisonniers au chateau...

Deux archers s'approcherent de Catherine qui tentait encore de s'accrocher a Arnaud, l'arracherent du jeune homme et la jeterent brutalement sur le lit sous l'?il du capitaine bourguignon.

— En verite, fit celui-ci, ce pauvre Garin de Brazey ne meritait pas le sort que lui a fait monseigneur : encanaille par ordre et plusieurs fois cocu, c'est trop pour un seul homme !

Secouee de sanglots convulsifs, Catherine eperdue vit les gardes emmener Arnaud. Son visage semblait change en pierre et il franchit le seuil sans meme un regard pour elle. Xaintrailles suivit entre ses gardiens toujours aussi detendu. Il chantonnait a nouveau sa chanson de tout a l'heure : « Belle, quelle est votre pensee ? Que vous semble de moi ?... »

Catherine demeura seule dans le pavillon de soie bleue, seule avec les armes abandonnees et tous ces objets masculins que, tout a l'heure sans doute, les hommes de Jean de Luxembourg viendraient piller.

Mais elle ne regardait rien, pour le moment, de ce qui l'entourait.

Ecroulee sur le lit bas, la tete entre ses bras, elle sanglotait sur son espoir decu, son amour bafoue, renie, sali... Comme il s'etait vite detourne d'elle, comme il s'etait hate de l'accuser, acceptant sans le.

moindre examen les paroles de Luxembourg parce que cet homme, un ennemi pourtant, etait comme lui, un homme noble, un chevalier !

Entre la parole de l'un de ses pairs et les serments d'une fille du peuple, meme passionnement aimee, Arnaud de Montsalvy n'hesiterait jamais ! Pour la seconde fois, il l'avait rejetee de lui, avec quelle brutalite, quel mepris ! Les insultes qu'il lui avait lancees au visage, comme autant de soufflets, brulaient le c?ur de la jeune femme sans que les larmes parvinssent a en adoucir la cuisante souffrance. Elles soulageaient un peu les nerfs, mais ne pouvaient rien sur la blessure trop fraiche.

Elle resta la, ensevelie dans son chagrin, oubliant le temps, le lieu.

Plus rien n'avait d'importance puisque Arnaud l'avait rejetee, puisqu'il la haissait... Pourtant, vint le moment ou les larmes, lasses de couler, se tarirent, ou quelque chose de la realite surnagea dans cet ocean de desespoir qui roulait la malheureuse dans ses flots amers : le sentiment qu'il y avait mieux a faire que pleurer. Catherine etait de ces etres aux sentiments violents, excessifs, dont les coleres sont redoutables, les desespoirs extremes mais, qui, justement, trouvent leur usure dans leurs propres violences. On ne s'abandonne pas facilement lorsqu'on est jeune, belle et en pleine sante. Au bout d'un long moment, elle releva la tete. Ses yeux rougis lui faisaient mal et sa vue n'etait pas nette mais, la premiere chose qui la frappa, ce fut, sur le coffre meme, son hennin de satin blanc pose aupres du heaume a la fleur de lys...

Elle vit, dans le rapprochement des deux coiffures, un symbole, comme si la tete d'Arnaud fut encore emprisonnee sous l'embleme royal et la sienne propre coiffee de l'absurde et charmant edifice...

Avec peine elle se leva, alla jusqu'a un miroir accroche au mur de soie au-dessus d'une cuvette d'etain et d'une aiguiere. La glace lui rendit l'image deprimante d'un visage rouge et tumefie aux paupieres gonflees, aux joues marbrees. Elle se jugea defiguree, meconnaissable

: avec quelque raison d'ailleurs, les larmes produisant rarement sur une femme autre chose qu'un affreux brouillage des traits et des couleurs.

Avec decision, elle vida dans la cuvette le contenu de l'aiguiere, enfouit son visage dans l'eau parfumee de fleur d'oranger et s'obligea a y demeurer, ne relevant la tete que de temps en temps pour respirer.

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