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Les Voyages De Gulliver - Swift Jonathan (читаем книги онлайн txt) 📗

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Название:
Les Voyages De Gulliver
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17 март 2020
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155
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Les Voyages De Gulliver - Swift Jonathan (читаем книги онлайн txt) 📗
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Qui ne connait pas les voyages de Gulliver aux pays des hommes minuscules – Lilliput – au pays des geants – Brobdingnag – a l'ile volante de Laputa ou au pays des chevaux intelligents – les Houyhnhnms. Au dela de la poesie et de la beaute de l'imaginaire, Swift nous propose une reflexion profonde, mais pessimiste, sur la societe et la politique de son temps.

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Jonathan Swift

Les Voyages De Gulliver

Les Voyages De Gulliver - pic_1.jpg

Premiere publication 1721

Traduit par l’abbe Desfontaines en 1727

VOYAGE A LILLIPUT

Chapitre I

L’auteur rend un compte succinct des premiers motifs qui le porterent a voyager. Il fait naufrage et se sauve a la nage dans le pays de Lilliput. On l’enchaine et on le conduit en cet etat plus avant dans les terres.

Les Voyages De Gulliver - pic_2.jpg

Mon pere, dont le bien, situe dans la province de Nottingham, etait mediocre, avait cinq fils: j’etais le troisieme, et il m’envoya au college d’Emmanuel, a Cambridge, a l’age de quatorze ans. J’y demeurai trois annees, que j’employai utilement. Mais la depense de mon entretien au college etait trop grande, on me mit en apprentissage sous M. Jacques Bates, fameux chirurgien a Londres, chez qui je demeurai quatre ans. Mon pere m’envoyant de temps en temps quelques petites sommes d’argent, je les employai a apprendre le pilotage et les autres parties des mathematiques les plus necessaires a ceux qui forment le dessein de voyager sur mer, ce que je prevoyais etre ma destinee. Ayant quitte M. Bates, je retournai chez mon pere; et, tant de lui que de mon oncle Jean et de quelques autres parents, je tirai la somme de quarante livres sterling par an pour me soutenir a Leyde. Je m’y rendis et m’y appliquai a l’etude de la medecine pendant deux ans et sept mois, persuade qu’elle me serait un jour tres utile dans mes voyages.

Bientot apres mon retour de Leyde, j’eus, a la recommandation de mon bon maitre M. Bates, l’emploi de chirurgien sur l’Hirondelle, ou je restai trois ans et demi, sous le capitaine Abraham Panell, commandant. Je fis pendant ce temps-la des voyages au Levant et ailleurs. A mon retour, je resolus de m’etablir a Londres. M. Bates m’encouragea a prendre ce parti, et me recommanda a ses malades. Je louai un appartement dans un petit hotel situe dans le quartier appele Old-Jewry, et bientot apres j’epousai Melle Marie Burton, seconde fille de M. Edouard Burton, marchand dans la rue de Newgate, laquelle m’apporta quatre cents livres sterling en mariage.

Mais mon cher maitre M. Bates etant mort deux ans apres, et n’ayant plus de protecteur, ma pratique commenca a diminuer. Ma conscience ne me permettait pas d’imiter la conduite de la plupart des chirurgiens, dont la science est trop semblable a celle des procureurs: c’est pourquoi, apres avoir consulte ma femme et quelques autres de mes intimes amis, je pris la resolution de faire encore un voyage de mer. Je fus chirurgien successivement dans deux vaisseaux; et plusieurs autres voyages que je fis, pendant six ans, aux Indes orientales et occidentales, augmenterent un peu ma petite fortune. J’employais mon loisir a lire les meilleurs auteurs anciens et modernes, etant toujours fourni d’un certain nombre de livres, et, quand je me trouvais a terre, je ne negligeais pas de remarquer les m?urs et les coutumes des peuples, et d’apprendre en meme temps la langue du pays, ce qui me coutait peu, ayant la memoire tres bonne.

Le dernier de ces voyages n’ayant pas ete heureux, je me trouvai degoute de la mer, et je pris le parti de rester chez moi avec ma femme et mes enfants. Je changeai de demeure, et me transportai de l’Old-Jewry a la rue de Fetter-Lane, et de la a Wapping, dans l’esperance d’avoir de la pratique parmi les matelots; mais je n’y trouvai pas mon compte.

Apres avoir attendu trois ans, et espere en vain que mes affaires iraient mieux, j’acceptai un parti avantageux qui me fut propose par le capitaine Guillaume Prichard, pret a monter l’Antilope et a partir pour la mer du Sud. Nous nous embarquames a Bristol, le 4 de mai 16 99, et notre voyage fut d’abord tres heureux.

Il est inutile d’ennuyer le lecteur par le detail de nos aventures dans ces mers; c’est assez de lui faire savoir que, dans notre passage aux Indes orientales, nous essuyames une tempete dont la violence nous poussa; vers le nord-ouest de la terre de Van-Diemen. Par une observation que je fis, je trouvai que nous etions a 30° 2’ de latitude meridionale. Douze hommes de notre equipage etaient morts par le travail excessif et par la mauvaise nourriture. Le 5 novembre, qui etait le commencement de l’ete dans ces pays-la, le temps etant un peu noir, les mariniers apercurent un roc qui n’etait eloigne du vaisseau que de la longueur d’un cable; mais le vent etait si fort que nous fumes directement pousses contre l’ecueil, et que nous echouames dans un moment. Six hommes de l’equipage, dont j’etais un, s’etant jetes a propos dans la chaloupe, trouverent le moyen de se debarrasser du vaisseau et du roc. Nous allames a la rame environ trois lieues; mais a la fin la lassitude ne nous permit plus de ramer; entierement epuises, nous nous abandonnames au gre des flots, et bientot nous fumes renverses par un coup de vent du nord:

Je ne sais quel fut le sort de mes camarades de la chaloupe, ni de ceux qui se sauverent sur le roc, ou qui resterent dans le vaisseau; mais je crois qu’ils perirent tous; pour moi, je nageai a l’aventure, et fus pousse, vers la terre par le vent et la maree. Je laissai souvent tomber mes jambes, mais sans toucher le fond. Enfin, etant pres de m’abandonner, je trouvai pied dans l’eau, et alors la tempete etait bien diminuee. Comme la pente etait presque insensible, je marchai une demi-lieue dans la mer avant que j’eusse pris terre. Je fis environ un quart de lieue sans decouvrir aucune maison ni aucun vestige d’habitants, quoique ce pays fut tres peuple. La fatigue, la chaleur et une demi-pinte d’eau-de-vie que j’avais bue en abandonnant le vaisseau, tout cela m’excita a dormir. Je me couchai sur l’herbe, qui etait tres fine, ou je fus bientot enseveli dans un profond sommeil, qui dura neuf heures. Au bout de ce temps-la, m’etant eveille, j’essayai de me lever; mais ce fut en vain. Je m’etais couche sur le dos; je trouvai mes bras et mes jambes attaches a la terre de l’un et de l’autre cote, et mes cheveux attaches de la meme maniere. Je trouvai meme plusieurs ligatures tres minces qui entouraient mon corps, depuis mes aisselles jusqu’a mes cuisses. Je ne pouvais que regarder en haut; le soleil commencait a etre fort chaud, et sa grande clarte blessait mes yeux. J’entendis un bruit confus autour de moi, mais, dans la posture ou j’etais, je ne pouvais rien voir que le soleil. Bientot je sentis remuer quelque chose sur ma jambe gauche, et cette chose, avancant doucement sur ma poitrine, monter presque jusqu’a mon menton. Quel fut mon etonnement lorsque j’apercus une petite figure de creature humaine haute tout au plus de trois pouces, un arc et une fleche a la main, avec un carquois sur le dos! J’en vis en meme temps au moins quarante autres de la meme espece. Je me mis soudain a jeter des cris si horribles, que tous ces petits animaux se retirerent transis de peur; et il y en eut meme quelques-uns, comme je l’ai appris ensuite, qui furent dangereusement blesses par les chutes precipitees qu’ils firent en sautant de dessus mon corps a terre. Neanmoins ils revinrent bientot, et l’un d’eux, qui eut la hardiesse de s’avancer si pres qu’il fut en etat de voir entierement mon visage, levant les mains et les yeux par une espece d’admiration, s’ecria d’une voix aigre, mais distincte: Hekinah Degul. Les autres repeterent plusieurs fois les memes mots; mais alors je n’en compris pas le sens. J’etais, pendant ce temps-la, etonne, inquiet, trouble, et tel que serait le lecteur en pareille situation. Enfin, faisant des efforts pour me mettre en liberte, j’eus le bonheur de rompre les cordons ou fils, et d’arracher les chevilles qui attachaient mon bras droit a la terre; car, en le haussant un peu, j’avais decouvert ce qui me tenait attache et captif. En meme temps, par une secousse violente qui me causa une douleur extreme, je lachai un peu les cordons qui attachaient mes cheveux du cote droit (cordons plus fins que mes cheveux memes), en sorte que je me trouvai en etat de procurer a ma tete un petit mouvement libre. Alors ces insectes humains se mirent en fuite et pousserent des cris tres aigus. Ce bruit cessant, j’entendis un d’eux s’ecrier: Tolgo Phonac, et aussitot je me sentis perce a la main de plus de cent fleches qui me piquaient comme autant d’aiguilles. Ils firent ensuite une autre decharge en l’air, comme nous tirons des bombes en Europe, dont plusieurs, je crois, tombaient paraboliquement sur mon corps, quoique je ne les apercusse pas, et d’autres sur mon visage, que je tachai de decouvrir avec ma main droite. Quand cette grele de fleches fut passee, je m’efforcai encore de me detacher; mais on fit alors une autre decharge plus grande que la premiere, et quelques-uns tachaient de me percer de leurs lances; mais, par bonheur, je portais une veste impenetrable de peau de buffle. Je crus donc que le meilleur parti etait de me tenir en repos et de rester comme j’etais jusqu’a la nuit; qu’alors, degageant mon bras gauche, je pourrais me mettre tout a fait en liberte, et, a l’egard dos habitants, c’etait avec raison que je me croyais d’une force egale aux plus puissantes armees qu’ils pourraient mettre sur pied pour m’attaquer, s’ils etaient tous de la meme taille que ceux que j’avais vus jusque-la. Mais la fortune me reservait un autre sort.

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