Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (электронная книга .txt) 📗
De la, je passai a l'Institut catholique ou j'entamai nonchalamment une licence. La guerre vint mettre un terme a ma dolce vitapersonnelle. Mon pere en mourut. Quant a moi, apres un passage meteorique comme auxiliaire a la Prefecture de la Seine ou je fis surtout connaissance avec la magnifique bibliotheque cachee sous les toits de l'Hotel de Ville, je me retrouvai mariee a un medecin de Dijon, le docteur Maurice Gallois, enfouie jusqu'au cou dans la bonne societe bourguignonne et bientot mere de deux enfants.
Tandis que mon epoux partageait son temps entre ses malades et les differents maquis de la region pour effectuer des missions n'ayant avec la medecine que d'assez lointains rapports, je passai des heures dans les bibliotheques, etudiant l'histoire de la Bourgogne au Moyen Age.
C'est au cours de ces etudes que je decouvris la legende de l'ordre de la Toison d'Or qui devait, plus tard, donner naissance a la serie des Catherine.
Quelques annees apres la Liberation, je perdis mon mari disparu en quelques minutes d'une crise d'angine de poitrine. J'avais trente ans et il me fallait envisager de travailler si je voulais pouvoir elever mes enfants comme je le souhaitais et conserver un certain niveau de vie. Mais, dans une ville de province, passer du statut de femme dite « du monde » a celui de travailleur salarie, est un exploit difficile et plutot mal vu. Mon mari avait de la famille au Maroc. Je m'y rendis et entrai a la redaction publicitaire d'un poste de radio : Radio-Internationale.
Ce n'etait pas une situation extraordinaire. Le Maroc, d'ailleurs, vivait les derniers jours du protectorat et il etait difficile de s'y creer une situation stable. Mais j'y fis la connaissance d'un officier, le capitaine Benzoni et l'epousai quelques semaines avant son depart pour l'Indochine ou il devait rejoindre, a Hue, le 6e Regiment de Spahis marocains.
Mais, a cause de l'incertitude des lendemains marocains, mon mari souhaitait me voir demeurer a Paris, aupres de ma famille tandis qu'il s'eloignerait. C'est alors que je me lancai dans le journalisme. Depuis toujours, j'avais ete fascinee par ce metier, et a quinze ans, j'avais emis le desir de m'y consacrer, mais mon pere m'avait decouragee alleguant une foule de pretextes mais evitant prudemment le seul reel : le journalisme etait mal porte chez les jeunes filles, a une certaine epoque et dans un certain milieu.
Je travaillai simultanement pour l'Histoire pour tous,pour le Journal du Dimanche,qui etait le septieme jour de France-Soiret pour
Confidencesou j'ecrivis de nombreux articles historiques (je les ecris toujours d'ailleurs, ce sont les Confidences de l'Histoire).J'y ajoutai, par la suite, un courrier de l'Histoire qui me valut de bons moments et d'autres moins bons. Qui dira jamais la grande detresse de l'historien aux prises avec une meute avide de connaitre ses ancetres ? Mon courrier debordait, et deborde toujours, de lettres de ce type.
« Je m'appelle Bidule mais une vieille tante m'a dit que l'un de mes ancetres qui etait noble a supprime (ou vendu, ou cede ou bazarde n'importe comment...) la particule et le titre a la Revolution. Pouvez-vous m'aider a les retrouver ?... »
Ah ! cette Revolution, avec ses emigres, ses cachettes, sa clandestinite ! Elle est le grand recours d'une foule de republicains bon teint auxquels elle permet de rever qu'ils ont eu des ancetres « nes » dont les talons rouges foulaient hardiment les parquets de Versailles. Quant a moi, je dois faire face quotidiennement a une foule assoiffee d'honneurs enfuis et de chateaux ecroules.
Pendant que je faisais mes premieres armes dans le journalisme de salon (je frequentais beaucoup les artistes, les ecrivains et les vedettes de cinema) et dans la petite histoire, celles de la France tournaient mal en Extreme-Orient et l'Indochine me rendait mon mari en fort mauvais etat mais ayant tout de meme echappe de justesse au piege de Dien- Bien-Phu. Il fallut un an pour lui rendre la sante, apres quoi, il put reintegrer le ministere des Armees comme ingenieur d'armement, poste qu'il occupe toujours.
En meme temps, il se lancait dans la politique locale au service du general de Gaulle. Ce n'etait pas une nouveaute : depuis qu'il avait rejoint, a Londres, les F.F.L. puis, plus tard, au Tchad, la 2e D.B. il etait un fidele du General.
President de nombreuses societes, il est actuellement maire- adjoint de notre ville de Saint-Mande.
Quant a moi, une grande emission televisee me fit mieux connaitre et decida un editeur, le mien, a me demander un roman historique. Ce fut II suffit d'un amour...le premier de la serie Catherine.Depuis, je n'ai pas cesse d'en ecrire et c'est, je pense, une maladie qui ne me quittera pas de sitot.
Ce que j'appellerai l'« aventure Catherine » a commence d'une drole de facon. Je sortais tout juste des projecteurs de la television ou je m'etais vaillamment battue pour la plus grande gloire de la Renaissance italienne et je commencais mes series d'articles historiques, lorsque je fus convoquee, un beau matin, par le secretaire general de l'agence de presse OPERA MUNDI, Gerald Gauthier, au siege social de ladite agence.
Introduite dans l'immense salle de conferences qui avait ete jadis la salle de bal d'un hotel particulier ducal, j'ai ete confrontee avec un monsieur jeune et dynamique qui, apres les compliments d'usage, m'a demande si je n'aurais pas, dans un coin, une bonne idee de roman historique. Me souvenant de mes lectures bourguignonnes, j'ai dit qu'effectivement j'avais ca dans mes fontes... et j'ai vu mon interlocuteur quitter, alors, son siege et disparaitre en courant comme s'il etait poursuivi.
Pensant que la seance etait terminee, j'allais, un peu decue, prendre le meme chemin plus calmement quand je l'ai vu revenir, titubant sous le poids d'une demi-douzaine de gigantesques in-folio noirs. Derriere lui, une secretaire essoufflee en vehiculait trois autres. Le tout a atterri tant bien que mal sur une grande table.
— Vous voyez ca ? m'a dit Gerald Gauthier dans un grand geste dramatique, ce sont les « press-books » d'Angelique. Je vous en promets autant, meme gloire et meme succes. Et maintenant, au travail !
En rentrant chez moi, je n'etais pas tellement convaincue. Je pensais que ce Gauthier-la avait du voir le jour quelque part du cote de Marseille et que j'avais certainement bien moins de chances qu'il ne le pretendait, d'atteindre a la gloire internationale. Neanmoins, comme j'avais envie d'ecrire cette histoire, je commencai laborieusement a noircir des pages et des pages. Gauthier supervisait la chose avec une attention feroce. Je devais lui soumettre ma « ponte » tous les deux jours et il ne laissait meme pas passer une virgule mal placee.
J'en etais a peu pres au tiers du roman et je revais d'un petit sejour au bagne pour me reposer quand ledit Gauthier me telephona.
Avec un admirable sang-froid il m'annonca, comme si c'eut ete la chose du monde la plus naturelle, que France-Soirachetait ce roman encore embryonnaire... et que j'avais deux mois pour en arriver au mot « fin ». J'ai eu quelque peine a realiser... mais c'es t alors seulement que j'ai compris ce que signifiait, pour Gerald Gauthier, le mot « travailler ». Je suis sortie de l'epreuve extenuee, videe, lessivee, imbibee de cafe jusqu'a la moelle et fumee comme un jambon de Bayonne a force de cigarettes.
Mais le roman etait fini (les deux premiers tomes tout au moins), France-Soirle lancait et dix editeurs etrangers l'avaient deja achete. Nous avions gagne la partie.
Depuis, le succes a ete grandissant. Catherinecompte cinq tomes (et a la demande generale des editeurs, j'en entame un sixieme).
Marianneen compte trois et le quatrieme est en route, les editeurs se montent presque aux deux douzaines et les lecteurs se comptent par millions. Personnellement, je n'arrive pas a comprendre comment la vie d'une petite bourgeoise de Paris du XVE siecle peut passionner au meme degre une fermiere du Wyoming, un Turc de Cappadoce, un pecheur islandais, des foules moldo-vala- ques, serbo-croates, slovenes ou israeliennes au meme titre que plusieurs millions de Francais, mais le fait est qu'elle les passionne et qu'ils en redemandent. Quant a moi, je commence seulement a comprendre que j'ai atteint le succes et que les predictions farfelues de l'homme aux in-folio noirs n'etaient pas des galejades...