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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно .txt) 📗

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— Il doit avoir une jambe cassee, fit Pierre dont les vieux doigts habiles avaient palpe vivement le membre enfle...

Quand on se remit en marche, Catherine refusa de remonter sur sa mule ; elle voulait cheminer aupres du blesse. Une des mains mouillees sortait de la couverture, abandonnee sur la poitrine. Cette main l'attirait comme un aimant et elle ne resista pas longtemps a l'envie de la prendre dans les siennes. Elle etait froide et humide. Un peu de sang perlait encore aux ecorchures profondes. Catherine l'essuya soigneusement avec son mouchoir puis la garda dans les siennes. Peu a peu, entre ses paumes douces, la grande main masculine se rechauffa.

Mais, quelque hate que l'on mit a parcourir la derniere partie du chemin, la nuit etait d'un noir d'encre, et toute la petite troupe trempee jusqu'aux os, quand, enfin, la lanterne accrochee devant la porte de l'auberge du Grand Charlemagne apparut dans la nuit.

Une heure plus tard, tout le monde etait case et le blesse reposait au fond d'un grand lit a courtines de serge rouge. Placee a la croisee de deux grandes routes, l'auberge etait, par bonheur, l'une des meilleures de la region.

L'arrivee du chevalier blesse et de son escorte avait mis l'auberge en emoi parce qu'il n'y avait plus guere de place. Une caravane de marchands remontant vers Bruges avait tout occupe. On put, tout de meme, trouver une chambre pour le chevalier et Catherine fut installee dans un petit cabinet ou l'on se hata de dresser un lit. Le pauvre Mathieu, pour une fois, devrait se contenter de l'ecurie et coucherait dans la paille avec ses valets.

— Ce n'est pas la premiere fois et ce ne sera sans doute pas la derniere, fit-il avec philosophie.

L'etat de celui qu'il avait recueilli sur la route l'inquietait bien autrement car le blesse n'avait pas encore repris connaissance. La blessure a la tete, due sans doute a un formidable coup de masse d'armes qui avait enfonce l'acier du heaume, continuait de saigner.

Bien entendu, leur entree au Grand Charlemagne n'etait pas passee inapercue des voyageurs deja installes dans la grande salle autour de leur souper. Cela valut a Mathieu et a Catherine de voir venir a eux un bien extraordinaire personnage. A Bruges et dans d'autres grands marches, le drapier dijonnais avait deja rencontre des musulmans et la vue d'un turban ne l'etonnait plus. Mais celui qu'il decouvrit devant la porte du blesse tranchait tout de meme nettement avec la moyenne.

C'etait un petit homme, mince et fluet, si petit que son volumineux turban rouge mettait sa figure a mi-chemin de ses pieds chausses de babouches du meme rouge et de jolies chaussettes bleues. Une robe d'epais damas indigo l'enveloppait jusqu'aux genoux, serree dans une ample ceinture de toile fine drapee a la taille et d'ou sortait le manche orfevre d'un poignard. Mais ce costume, si voyant qu'il fut, n'etait rien en comparaison du personnage lui-meme. Sa figure mince et indiscutablement jeune s'ornait paradoxalement d'une longue barbe neigeuse, surmontee d'un petit nez fin et delicat. Deux gigantesques serviteurs noirs dont la taille contrastait avec celle de leur maitre, venaient sur les talons du nouveau venu. Celui-ci s'inclina gravement devant le marchand et sa niece, ses mains fines jointes sur sa poitrine.

— Allah vous tienne en garde ! fit-il dans un francais soyeux et legerement zezayant. J'ai appris que vous aviez un blesse avec vous, alors me voila ! Je m'appelle Abou-al-Khayr, je viens de Cordoue et je suis le plus grand medecin de tout l'Islam.

Le mot « medecin » arreta dans la gorge de Catherine le fou rire qui montait. L'immense dignite de ce petit bonhomme enturbanne dont la modestie n'etait apparemment pas la vertu principale, avait quelque chose d'irresistiblement comique, mais il ne paraissait aucunement s'en douter.

— Nous avons, en effet, un blesse... commenca- t-elle.

Mais, d'une main dressee entre eux deux, le petit medecin lui imposa silence. Il declara severement :

— Je m'adresse a cet honorable vieillard. Les femmes n'ont pas droit a la parole chez nous.

Vexee, Catherine devint rouge jusqu'a la racine de ses cheveux tandis que Mathieu, a son tour, reprimait son envie de rire. Pourtant ce n'etait pas le moment de decourager les bonnes volontes.

— Il y a la, en effet, un blesse, repondit-il en rendant son salut a l'arrivant. Un jeune chevalier que nous avons trouve sur le bord de la riviere et qui semble en bien triste etat.

— Je vais l'examiner...

Ses deux Noirs, charges l'un d'un gros coffre de cedre peint et l'autre d'une buire d'argent cisele, toujours sur ses talons, Aboual-Khayr penetra dans la chambre ou gisait le chevalier. Dans son grand lit aux tentures rouges qui, avec la cheminee, occupait a peu pres tout l'espace libre, celui-ci paraissait encore plus pale que tout a l'heure.

Pierre se tenait a son chevet et, arme d'un tampon de charpie, tentait d'arreter le filet de sang coulant toujours de la tempe.

— Ce seigneur est medecin, expliqua Mathieu devant les yeux devenus tout ronds du vieux Pierre.

— Dieu en soit loue ! Il est grand temps. Le blesse saigne encore !

— Je vais arranger ca tout de suite, affirma l'Arabe en faisant signe a ses esclaves de deposer leur chargement sur un tabouret tout pres du lit.

Levant les bras en l'air, il rejeta ses larges manches jusque sur ses epaules et palpa prestement le crane du blesse.

— Pas de fracture, dit-il enfin, c'est seulement un vaisseau rompu.

Que l'on aille me chercher de la braise dans un pot !

Pierre se precipita dans la galerie tandis que Catherine prenait sa place au chevet du blesse. Le petit medecin la regarda sous le nez d'un air reprobateur :

— Vous etes la femme de ce jeune homme ?

— Non ! Je ne le connais meme pas. Mais je resterai tout de meme aupres de lui, declara fermement la jeune fille.

Ce petit bonhomme apparemment, n'aimait pas beaucoup les femmes mais il n'arriverait pas a la chasser de ce lit.

Abou-al-Khayr renifla d'un air meprisant. Pourtant il n'ajouta rien.

Il se mit a fouiller dans son coffre qui, ouvert, revelait une serie d'instruments d'acier etincelant et quantite de fioles, de petits pots de faience aux teintes vives, noires, vertes, rouges ou blanches. Il y prit delicatement un objet assez semblable a un sceau de petite taille dont le manche de bronze etait merveilleusement cisele d'oiseaux et de feuillages. Apres avoir essuye soigneusement cet instrument avec un petit tampon sur lequel quelques gouttes d'un liquide acre avaient ete versees, Abou- al-Khayr alla le poser dans un pot plein de braises que Pierre apportait tout juste. Catherine ouvrit des yeux horrifies :

— Qu'allez-vous lui faire ?

Le petit medecin n'avait visiblement aucune envie de lui repondre mais il etait incapable de se taire quand il s'agissait d'expliquer l'un de ses actes.

— Cela tombe sous le sens, ignorante que vous etes ! Je vais cauteriser legerement cette plaie pour obliger le vaisseau rompu a se fermer. Cela se fait egalement chez vos anes de medecins...

D'une main ferme, il avait saisi le manche de bronze et approchait le fer incandescent de la plaie, prealablement nettoyee de la graisse d'armes qui la souillait encore. Catherine ferma les yeux et enfonca ses ongles dans la paume de sa main. Mais elle ne put eviter d'entendre le hurlement pousse par le blesse, ni de respirer la suffocante odeur de chair et de cheveux roussis.

— Sensible, ce jeune homme ! commenta Abou- al-Khayr. J'ai a peine effleure la blessure pour ne pas faire une grande brulure.

Si l'on vous mettait un fer rouge sur la tempe, s'ecria Catherine dont les yeux, grands ouverts maintenant, regardaient avec horreur le visage convulse de souffrance du jeune homme, que diriez-vous ?

— Je dirais que c'est tres bien si cela doit arreter le sang et conserver ma vie. Vous pouvez tous voir que le sang ne coule plus.

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