Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта (читать книги без .TXT) 📗
Deux hommes entrerent dont l'un portait une torche et l'autre une corde.
Les yeux agrandis de terreur, Catherine reconnut Fagot dans l'homme a la torche. L'autre n'etait pas Garin, mais le deuxieme complice de son enlevement, celui qu'elle avait vu dans la charrette aupres de Fagot. Il lui ressemblait, d'ailleurs, curieusement. Mais il etait peut-etre encore plus repoussant, car ce qui chez le geolier n'etait qu'hebetude, visible abrutissement, revetait chez l'autre tous les aspects d'une mechancete sans mesure. Certes, celui-la n'avait pas l'air d'un idiot, mais la lueur qui brillait dans ses petits yeux annoncait une astuce dangereuse.
Goguenard, balancant sa corde d'une main, il s'approcha de Catherine, se courba vers elle.
— Voila la mignonne ! Alors, on fait la mechante ? On ne veut pas essayer de distraire un peu le pauvre Fagot, un si brave garcon ?...
Fagot, qui se tenait a distance respectueuse, la torche haute, designa la jeune femme avec rancune.
— Couteau !... dit-il seulement.
Catherine vit qu'en effet un pansement entourait son epaule gauche. Mais elle n'en eut aucun remords, regrettant seulement de n'avoir pas frappe plus fort.
— Un couteau, hein ? fit le nouveau venu avec une ignoble douceur... eh bien, on va le lui prendre !
Avant que Catherine ait pu deviner son geste, il avait empoigne la chaine reliee au collier de fer et la tirait vers lui brutalement. Catherine crut que sa tete sautait. Elle hurla de douleur mais cela ne parut pas impressionner le miserable qui n'en tira que plus fort pour jeter la jeune femme hors de sa couche de paille. Elle roula a terre et, dans sa chute, la dague qu'elle tenait a la main lui echappa.
Ramasse, Fagot ! fit l'autre. Voila le couteau en question ! Tu n'as plus rien a craindre. Bon sang ! Quel dommage que j'aie du te laisser seul avec cette coquine ! Messire Garin devait pourtant bien savoir que, sans ton petit frere, tu ne valais pas cher. Mais maintenant, il est la, le bon Pochard... et on va bien voir qui c'est qui va faire la loi ici. Et d'abord, s'agirait de savoir comment cette mignonne s'est procure son joli petit couteau... et aussi cette belle casaque de cuir. Ce n'est pas venu tout seul ici, tout ca... et quelque chose me dit qu'elle va nous le raconter bien gentiment. Pas, ma belle ?
Et une nouvelle fois, il donna une secousse au collier de fer, etranglant a demi la malheureuse Catherine.
— Tu vois, ricana le miserable, comme elle est deja douce et gentille ?
On va s'entendre tres bien nous deux. Mais d'abord, Fagot, allume-nous du feu, ca pourra toujours servir... ne serait-ce qu'a lui mettre les pieds dedans si elle ne veut pas parler. Et puis, il fait vraiment un peu frais ici, pour moi tout au moins parce que Madame est un peu rouge. Elle doit avoir chaud.
En effet, le sang a la tete, Catherine etouffait a demi car Pochard la tenait soulevee par le collier de fer. Brutalement, il la laissa retomber a terre, mais ce fut pour s'emparer de ses deux mains qu'il ligota derriere son dos.
— Comme ca, commenta-t-il goguenard, on ne craindra pas ses griffes !
Maintenant, on va la faire respirer un peu. Viens ca, Fagot, et laisse ton feu un moment, ca peut attendre. Puisqu'elle te plait tellement, cette donzelle, je vais te faire plaisir. Je vais te la tenir pendant que tu en useras a ton gre. Et si elle est aussi gironde que tu le dis, je passerai apres toi si ca me chante.
Attends... je vais te la depouiller.
Il commencait a dechirer la miserable robe de Catherine quand un rale d'agonie le fit sursauter et ranima Catherine effondree. Comme Fagot allait sortir de la cheminee, Landry etait tombe sur son dos et, sans autre forme de proces, lui avait plante une dague entre les deux epaules. L'idiot s'affala dans les cendres, face contre terre, crachant un flot de sang...
Landry enjamba le corps d'un bond souple apres avoir arrache son arme de la blessure. Maintenant, penche en avant, bras ecartes, ses yeux noirs brillants de haine dans son visage barbouille de suie, il faisait face a Pochard.
— A nous deux, crapule !... siffla-t-il entre ses dents. Je te jure que tu ne sortiras pas vivant d'ici.
— Voire ! ricana Pochard en tirant un long couteau de sa ceinture. On va etre deux, a ce jeu-la, mon joli ramoneur. Et j'ai d'autant plus envie d'avoir ta peau que j'aimais beaucoup mon petit frere...
Catherine, oubliee par lui, se hata de se trainer dans son coin pour degager ses mains. Heureusement Pochard n'avait pas beaucoup serre la corde. Elle etait si faible et si endolorie qu'elle ne savait plus si elle devait remercier le ciel d'avoir envoye Landry a temps ou trembler pour lui. Il etait jeune, souple et sans doute entraine aux armes comme tous les hommes de la Grande Ecurie, mais Pochard avait la tete en plus que lui et une force dangereuse se degageait de toute sa massive personne. Landry, pourtant, ne paraissait pas inquiet. A la lumiere de la torche que Fagot avait plantee dans un anneau de fer du mur, Catherine put voir briller ses dents au milieu de sa figure noire ; il souriait... Les deux hommes s'observaient, tournant sur place en une bizarre figure de danse. Puis, brusquement, ils s'empoignerent.
Catherine cria en se rendant compte que Landry etait tombe sous la masse de son adversaire. Les deux hommes avaient roule sur les dalles poussiereuses et s'y enchevetraient en un corps a corps furieux. Leurs grognements de rage etaient ceux de deux fauves aux prises et leurs mouvements si violents que Catherine les distinguait mal. Ils etaient inextricablement emmeles l'un a l'autre...
Cela dura un temps qui parut interminable a la prisonniere epouvantee.
Mais, soudain, Pochard reussit a terrasser son adversaire. Catherine le vit avec horreur agenouille sur le ventre de Landry. Il le tenait a la gorge, il serrait, il allait l'etrangler...
Alors, rassemblant tout ce qui pouvait lui rester de forces, Catherine saisit une boucle de sa chaine, la leva et, avec autant de violence qu'elle put, la laissa retomber sur le crane de Pochard qui s'ecroula... Aussitot Landry fut debout ; d'une bourrade, il renversa le frere de Fagot puis, se penchant sur lui, froidement, il lui trancha la gorge. Le sang gicla jusque sur la robe de Catherine qui, a demi morte, s'etait laissee tomber a terre.
— Voila qui est fait, fit Landry avec satisfaction. Maintenant, a nous deux, Cathy... je te dois la vie. Sans toi, ce pourceau m'etranglait...
Debout, il respirait fort, reprenant peu a peu son souffle que la violence de la bataille avait ecourte. Du pied, il repoussa loin de Catherine le cadavre sanglant de Pochard, puis s'agenouilla aupres de son amie dont il caressa les cheveux emmeles et poisseux.
— Pauvrette ! Tu n'en peux plus. Attends que je te delivre de ce carcan...
mais dans quel etat il t'a mise. Tu as le cou en sang...
En effet, le cou mince saignait a plusieurs endroits, ecorche par les brutales tractions exercees par Pochard sur le collier de fer. Landry dechira un morceau de la chemise de Catherine ou de ce qu'il en restait pour en faire un gros tampon qu'il interposa entre le collier et le cou blesse, puis, a l'aide d'une grosse lime qu'il avait apportee avec lui, se mit en devoir de scier le collier. Car la fouille du cadavre de Fagot n'avait rien donne. Il n'avait pas trouve la clef. L'operation fut longue et penible pour Catherine malgre les precautions prises par Landry. Le bruit irritant de la lime mordant l'acier crispait les nerfs de la jeune femme surexcitee par l'impatience. Enfin, le moment vint ou le carcan tomba et ou Catherine, libre, put se relever. Elle voulut se jeter au cou de Landry pour le remercier mais il la repoussa doucement.
— Tu me remercieras plus tard. Maintenant, il faut filer d'ici et vite... Je ne crois pas qu'il y ait d'autres gardiens...
Soutenant par la taille son amie chancelante, il l'entraina vers la porte, mais au moment de franchir le seuil de sa chambre de torture, la jeune femme eut une defaillance. Elle etait arrivee au dernier degre de l'epuisement.