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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта (книги бесплатно .txt) 📗

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Cette idee galvanisa Catherine, ancrant en elle le desir de faire quelque chose ou, tout au moins, de rester aupres de lui, le plus possible.

Un groupe compact d'hommes et de femmes hurlant a la mort avait emboite le pas au prisonnier et Catherine, bousculee, tiraillee dans cette foule, avait bien du mal a ne pas se laisser distancer. D'un elan, elle parvint meme a se faufiler jusque derriere le large dos de Caboche, s'accrocha a sa ceinture malgre la peur qu'il lui causait. Tout entier a son triomphe, l'ecorcheur ne s'en apercut meme pas. Pas plus que Catherine elle-meme ne sentit les horions qu'elle recevait, dans la presse, et les pieds qui ecrasaient les siens. Son bonnet etait perdu depuis longtemps et l'on tirait parfois ses cheveux denoues. Toute sa force vitale semblait venir de ce garcon blond qui marchait devant elle, et y retourner.

D'autres prisonniers precedaient ou suivaient Michel de Montsalvy : le duc de Bar, cousin du Dauphin, Jean de Vailly, chancelier de Guyenne, Jean de la Riviere, chambellan du Dauphin, les deux freres de Giresmes, en tout une vingtaine de personnes que l'on chargeait de chaines et que l'on entrainait comme des malfaiteurs au milieu des injures et des crachats. En franchissant une porte de chene sculpte qui fermait l'escalier a mi-hauteur, Catherine reconnut au passage la robe noire et la longue figure morose de maitre Pierre Cauchon. Il se tassait contre le chambranle, luttant pour ne pas etre emporte par le flot mais l'adolescente remarqua l'etrange regard dont le recteur avait, au passage, enveloppe le prisonnier. Ses petits yeux glauques s'etaient mis soudain a briller, eux toujours si ternes, comme si la vue de ce garcon jeune, beau, noble, que l'on trainait au supplice, eut ete pour Cauchon une bien douce joie, une sorte d'intime revanche... Une vague nausee souleva le c?ur de Catherine. Elle n'aimait pas Cauchon, mais c'etait la premiere fois qu'il l'ec?urait.

Au passage des portes de l'hotel, la poussee se fit sauvage.

Catherine fut arrachee de Caboche, se trouva refoulee en arriere. Elle poussa un cri qui se perdit dans le tumulte. Mais l'instant suivant, le soleil et la chaleur frappant son visage lui apprirent que l'on etait revenu a l'air libre. Le flot se fit moins serre, s'epar- pillant un instant, sur le sable du jardin avant de se tasser a nouveau pour franchir la porte arrachee. Comme un bon petit soldat a l'assaut, Catherine reprit haleine un instant mais put voir, avec chagrin, que le prisonnier et sa garde franchissaient deja le portail. Elle distinguait encore la tete blonde de Michel entre les fers brillants des fauchards et les casques d'acier bleu mais il s'eloignait. Bientot elle ne le vit plus, poussa un cri d'angoisse et voulut se jeter en avant. Mais une main vigoureuse posee sur son epaule la retint de force.

— Enfin je te retrouve ! s'ecria Landry. Qu'est-ce que tu m'as fait faire comme mauvais sang ! C'est bien la derniere fois que je t'emmene avec moi, tu sais. Tu as vraiment le diable au corps...

Landry avait du avoir du mal a se tirer de l'enorme bousculade de l'hotel de Guyenne car il offrait un ?il tumefie, une manche dechiree, un genou nu et saignant. Quant a la belle casaque verte a croix blanche, aux couleurs de Bourgogne, dont il etait si fier le malin meme, elle avait cet air lamentable d'une chose qui a beaucoup servi et traine un peu partout. En outre, il etait tres rouge, il avait lui aussi perdu son bonnet et ses cheveux noirs se dressaient bien raides sur sa tete. Mais Catherine etait au-dela de ces details vestimentaires.

Essuyant les larmes qui couvraient son petit visage a un pan de sa robe dechiree, elle leva vers son ami une figure desolee.

— Aide-moi, je t'en supplie, Landry, aide-moi a le sauver !

Landry considera la petite avec un sincere ahurissement.

— Qui ? Cet Armagnac que Caboche veut pendre ? Ah ca, mais tu es tout a fait folle, ma pauvre ? Qu'est- ce que ca peut bien te faire qu'on le pende ou non ? Tu ne le connais meme pas.

— Non, c'est vrai, je ne le connais pas. Mais je ne veux pas qu'il meure. Le pendre... Tu sais ce que ca veut dire ? Ils vont l'accrocher la-haut a Montfaucon, a ces horribles chaines rouillees entre les gros piliers...

— Mais enfin, pourquoi ? Il ne nous est rien.

Catherine secoua la tete, rejetant en arriere sa

longue chevelure denouee dans un geste d'une grace inconsciente mais qui frappa le jeune homme. Les cheveux de l'adolescente etaient, avec ses yeux, sa seule vraie beaute, mais quelle beaute ! Jamais, a une enfant si jeune, on n'avait vu pareille nappe d'or vivant, traversee de fleches lumineuses quand le soleil s'y accrochait. Quand ils etaient deroules, les cheveux ile Catherine formaient comme un manteau merveilleux, fait de soie douce et tiede qui l'enveloppait jusqu'aux genoux et l'habillait d'une clarte d'ete. Une clarte parfois lourde a trainer.

Quant aux yeux de Catherine, sa famille n'etait pas encore parvenue a decider une bonne fois de leur cou-; leur. Quand l'enfant etait paisible, ils paraissaient bleu; sombre, avec des reflets pourpres et veloutes comme i des petales de violette de Careme. Quand elle etait gaie, des milliers d'etoiles dorees y brillaient, evoquant alors un rayon de miel au soleil. Mais lorsque Catherine se jetait dans une de ces coleres soudaines dont elle avait le secret et qui avaient le don de stupefier les siens, ses prunelles devenaient alors d'un noir d'enfer aussi peu rassurant que possible.

Ceci mis a part, elle etait, pour le reste, une adolescente comme toutes les autres, une gamine gran- die trop vite avec des membres anguleux, des gestes maladroits de jeune faon instable sur ses pattes et des genoux de garcon, un peu trop gros et perpetuellement ecorches. Elle avait une drole de frimousse triangulaire, une bouche trop grande et un petit nez court qui lui faisaient une physionomie de chat. La peau etait claire, legerement ambree et abondamment parsemee de taches de rousseur. L'ensemble, malgre tout, avait un charme certain auquel Landry commencait a s'avouer secretement qu'il y resistait mal. Il lui passait chaque jour un peu plus de caprices et de fantaisies baroques. Mais il faut avouer que ce qu'elle demandait maintenant depassait toutes les limites de l'imaginable...

— Pourquoi tiens-tu tellement a sa vie ? repeta-t-il plus bas, avec une nuance de jalousie.

— Je ne sais pas, avoua Catherine avec une grande simplicite.

Mais si on le tue, j'aurai de la peine. Je crois que je pleurerai beaucoup... et longtemps.

Elle disait cela d'une petite voix tranquille, mais avec une telle conviction que Landry, une fois de plus, renonca a comprendre. Il savait qu'il ferait tout ce qu'elle voudrait, bien que ce fut vraiment une pilule plutot dure a avaler. Il fallait voir ce que cela representait dans la realite, ces trois petits mots qui franchissaient si aisement les levres de sa petite amie : sauver le prisonnier ! Cela voulait dire l'arracher au peloton d'archers ranges autour de lui depuis qu'il avait franchi les portes de l'hotel, a la foule qui suivait, a Caboche et son compere Denisot qui etaient gens capables de l'assommer lui, Landry, et Catherine par-dessus le marche, d'un seul revers de main. I il plus de quoi, en admettant qu'on y parvint, il faudrait encore cacher le jeune homme au milieu d'une ville insurgee qui donnait la chasse a ses pareils, lui faire quitter Paris ensuite, passer les chaines tendues, les portes fermees, les remparts garnis d'hommes d'armes, eviter le guet, la denonciation... Landry se disait que c'etait beaucoup, meme pour un garcon de quinze ans particulierement debrouillard.

— Ils l'emmenent a Montfaucon, fit-il, pensant tout haut. La route est longue mais pas eternelle. Ca ne nous laisse pas beaucoup de temps. Comment veux- tu que nous le tirions d'affaire avant le grand gibet ? Nous ne sommes que deux et il y a une armee autour de lui.

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