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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (электронная книга .txt) 📗

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Allons, mere, pour une fois, oubliez votre noblesse en faveur de celle que j'aime car elle en est digne. Catherine est de ces femmes a la seve puissante d'ou sortent les dynasties les plus grandes, comme ces imperatrices romaines, couronnees au hasard d'une conquete et d'ou naissaient les Cesars. La reine Yolande, qui s'y connait en qualite humaine, lui avait donne rang aupres d'elle, et amitie. Jehanne la Pucelle l'aimait. Serez-vous plus royaliste, Madame, que la reine des Quatre Royaumes, plus orgueilleuse qu'une fille de Dieu ?

— Comme tu l'aimes ! murmura amerement Isabelle, comme tu la defends !

Il y eut un bruit metallique. Arnaud venait de s'agenouiller aupres de sa mere.

Oui, je l'aime et j'en suis fier. Mere, vous l'aimerez aussi quand vous la connaitrez mieux. Encore que le brave Gaucher Legoix, mort avec Michel, ne merite pas ce dedain, oubliez-le, oubliez que Catherine est sa fille... Oubliez aussi le duc Philippe et Garin de Brazey. Ne voyez dans Catherine que la dame d'honneur de la reine Yolande, que celle qui voulut sauver la Pucelle, qui fut pour moi un compagnon d'armes avant d'etre ma femme, que Catherine de Montsalvy, mon epouse... est votre fille !

Catherine ferma les yeux. Elle ne voyait d'ailleurs plus clair parce que les larmes l'aveuglaient. Dut-elle vivre une eternite elle n'oublierait jamais les paroles d'Arnaud, ce plaidoyer qui n'etait qu'un vibrant cri de passion. Bouleversee d'amour et de reconnaissance, la jeune femme luttait contre la faiblesse qui l'envahissait. Il y a des moments sans doute ou le bonheur eprouve est trop fort pour la resistance humaine et ou il peut briser aussi bien que la douleur. Catherine etait au bord de l'evanouissement. Elle agrippa le tronc rugueux de l'arbre, s'y cramponna comme pour tirer de sa seve les forces qui lui manquaient. Dans la maison, plus aucun bruit ne se faisait entendre. Isabelle de Montsalvy s'etait assise sur un banc et, les yeux fermes, adossee au mur, elle reflechissait, tandis qu'Arnaud, releve, enfilait calmement ses gantelets sans plus s'occuper d'elle, respectant sa meditation. Mais, dans la petite piece du fond, Michel, tres certainement aux mains de Sara, se mit a hurler et Catherine, a la voix de son fils, ouvrit les yeux, etouffa une exclamation de colere : en face d'elle, de l'autre cote de la porte, appuyee d'une epaule au mur de la maison, Marie de Comborn la regardait en riant mechamment.

— Un beau morceau de rhetorique, n'est-ce pas ? Mais n'en tirez pas vanite, chere Catherine... Il y aura un jour ou Arnaud ne s'en souviendra plus, mais, en revanche, se souviendra fort bien de votre naissance basse. Et, ce jour-la, je serai la, moi...

La joie interieure de Catherine etait si profonde qu'elle ne laissait pas place a la colere. Le dedain arqua ses belles levres en un demi-sourire presque amuse.

— Voila qui va vous obliger a une longue patience... chere Marie ! Et je me demande avec angoisse en quel etat vous serez, ce jour-la. Vous n'etes deja pas si belle ! Quand Arnaud cessera de m'aimer, je serais fort etonnee qu'il s'en allat porter ses v?ux a une vieille fille dessechee par l'envie et la mechancete !

— Garce ! cracha Marie les poings serres, les yeux etincelants de rage, je vais te crever les yeux !

De sa ceinture, elle arracha un stylet dont la lame mince brilla d'un eclat sinistre. Les pupilles de Marie se retrecissaient et plus que jamais elle avait l'air d'un chat pret a bondir. La haine qui deformait son visage, le feu dangereux de ses yeux firent reculer Catherine. Elle mit le sapin entre elle et son ennemie, mais ne put se retenir de persifler.

— Que voila un outil bien feminin ! Ai-je bien entendu ou bien votre noble ancetre s'appelait-il Archambaud le Boucher ?

— Tu as bien entendu et je vais te dire mieux : je tue aussi bien que lui. Tu vas voir !

Folle de fureur, Marie leva son arme et allait s'elancer sur Catherine, mais Gauthier venait d'apparaitre au coin de la maison et sautait, par-derriere, sur la jeune fille. En un instant, le stylet quitta sa main tordue et vola dans l'herbe tandis que la large paume du Normand, brutalement appliquee sur la bouche de Marie etouffait son cri de rage. Catherine respira. Tout au fond d'elle-meme, elle s'avouait qu'elle avait eu peur. Cette fille a moitie folle etait prete a n'importe quel geste pour l'eliminer. Reduite a l'impuissance, elle ecumait de fureur sous la poigne solide de Gauthier.

Allons, Demoiselle, fit celui-ci de sa voix trainante, un peu de calme ! Quand on veut tuer les gens, on s'arrange pour qu'il n'y ait pas vingt personnes a vous regarder.

En effet, dans la prairie, arrivaient des paysans en blouse, les cheveux longs sous le bonnet de laine, couverts de peaux de chevre ou de mouton et portant, qui une fourche, qui une faux... La resolution se lisait sur tous ces visages roussis, brules, tannes par les soleils et les neiges. Sortant du bois ou des sentiers imperceptibles, ils avancaient sur l'herbe, convergeant vers la ferme, silencieux, lents et implacables comme le destin lui-meme. En tete venait le vieux Saturnin, une longue faux luisante dans son poing, ses pieds chausses de sabots ecrasant lourdement les mottes de terre spongieuse.

Gauthier enveloppa les paysans d'un regard rapide, puis lacha Marie, mais se baissa pour ramasser le stylet qu'il glissa a sa ceinture.

— L'heure est venue, dit-il seulement, je vais chercher les chevaux.

— Fortunat, tout arme lui aussi, sortit de l'etable trainant un arc en bois d'if aussi grand que lui. Marie marqua un temps d'hesitation. Elle jeta sur Catherine un coup d'?il incertain puis, prenant un parti, voulut entrer dans la maison, mais se heurta a Arnaud qui en sortait, arme de pied en cap. Il repoussa la jeune fille sans meme la regarder, n'ayant vu que Catherine adossee au sapin. Celle-ci, de son cote, contemplait son epoux avec surprise. En effet, il ne portait pas l'armure legere que lui avait donnee Jacques C?ur au depart de Bourges, mais l'armure noire qui lui etait habituelle et qu'il avait appris a faire respecter aussi bien dans les tournois que sur les champs de bataille. Le heaume timbre de l'epervier etait loge sous son bras gauche. Catherine songea que le temps n'avait aucune prise sur lui, qu'il etait exactement semblable a l'image qu'elle avait gardee de lui, quand il etait apparu aux fiancailles des princesses de Bourgogne pour jeter son gantelet aux pieds du duc Philippe. Comme il se penchait pour l'embrasser, elle demanda : Comment as-tu fait pour retrouver ces armes ? Ou etaient-elles ?

— Dans l'armurerie du chateau, ou l'on peut encore penetrer par une issue particuliere. C'est une piece en sous-sol et, par chance, elle est toujours accessible. Je n'aurai pas tout perdu.

Glissant ses bras au cou d'Arnaud, elle s'accrocha a lui de toutes ses forces dans un geste de tendresse, pour le retenir pres d'elle. Un geste dont elle savait d'avance la vanite.

— Ou vas-tu ? Que vas-tu faire ?

Il eut un geste vers les hauteurs invisibles du village, vers le monastere dont les cloches ebranlaient a cet instant l'air limpide du matin. Puis sa main designa les paysans maintenant groupes devant la maison, l'air resolu sous leurs bonnets de laine, et, plus pres, la massive silhouette de Gauthier, arme lui aussi, et celle, plus frele, de Fortunat.

— Je vais la, et voici mes troupes. Je vais faire payer a Valette la ruine de notre maison.

— Tu vas te battre ?

— C'est mon metier, fit-il avec un mince sourire, et je ne trouverai jamais meilleure occasion de l'exercer.

— Sais-tu qu'en attaquant Valette tu attaques le Roi en quelque sorte ?

Cette fois, la colere enflamma brutalement le visage d'Arnaud. Sa main gantee de fer frappa sa poitrine qui resonna.

— Que m'importe le Roi ? Ai-je encore un Roi dans celui qui m'a proscrit innocent, qui m'a ruine pour complaire a son favori ? Non, Catherine, je n'ai plus de Roi et, crois-moi, en attaquant ce chien puant, je n'aurai pas l'impression d'agir contre l'honneur ou le droit... bien au contraire ! Si je le tue, j'en sais plus d'un qui m'en sera reconnaissant.

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