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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (электронная книга .txt) 📗

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Catherine, avec un dedaigneux haussement d'epaules, se detourna de Marie et, la main appuyee sur le bras du Normand comme pour bien marquer sa solidarite avec lui, se dirigea a son tour vers l'escalier.

— Mefiez-vous, dame Catherine, murmura Gauthier le visage soucieux, cette fille vous hait. Elle est capable de tout, meme du pire.

— Alors, veille, mon ami, veille sur moi ! Sous ta garde, je n'ai jamais rien eu a craindre. Pourquoi commencerais-je aujourd'hui ?

— Tout de meme, prenez garde ! Je veillerai, mais il est des moments ou je ne suis pas toujours aupres de vous. En attendant, je vais prevenir Sara. Face a cette vipere, nous ne serons pas trop de deux...

Catherine ne repondit pas. Malgre la confiance qu'elle affichait, elle ne pouvait se defendre d'une secrete inquietude.

Comme l'avait dit Gauthier, Marie etait de ces reptiles dont on ne peut jamais prevoir l'instant precis ou ils vont relever la tete pour frapper. Mais la jeune femme avait l'impression que, si elle montrait la peur sournoise qui l'etreignait, elle perdrait la moitie de ses moyens de defense.

Tard dans la nuit, les soldats de Cadet Bernard travaillerent a rendre plus habitable l'antique palais vieux de deux siecles. Les chariots qui suivaient Bernard etaient, heureusement, bien fournis en tentures, couvertures, draps et tous objets indispensables a une vie confortable. La grande salle du premier etage et les trois chambres du second recurent un amenagement approximatif. Les enormes bois de lit, assez larges pour cinq personnes, recurent des couettes, des matelas et des oreillers ; les chambres recurent des tentures. Arnaud en prit une avec Catherine ; Isabelle de Montsalvy, Sara et le bebe prirent la seconde ; Marie et la vieille Donatienne qui n'avait pas voulu quitter ses maitres la troisieme. Cadet Bernard et ses chevaliers dresserent leurs trefs dans l'immense cour. Quant au vieux sire de Cabanes, il n'avait jamais habite le logis, preferant le donjon ou il avait ses habitudes. De la l'invraisemblable salete du lieu ou, seule, la salle du rez-de-chaussee servait aux hommes d'armes. Tout le reste etait a l'abandon. Mais quelques vigoureux hurlements de Bernard opererent des miracles, repondant en echo aux cris furieux d'Arnaud qui inspectait les defenses et le chemin de ronde.

Heureusement, le bois ne manquait pas et, dans toutes les cheminees, on put allumer de grands feux.

Quand Catherine, enfin, rejoignit son epoux dans la chambre, elle etait rompue de fatigue et plutot deprimee au moral.

Elle alla s'asseoir sur l'etroite banquette de pierre, dans l'embrasure de la fenetre, et laissa son regard errer sur la cour ou brulaient encore les feux de cuisine des soldats. Les dernieres lueurs des brasiers eclairaient sinistrement les cadavres aux branches du chene, tranchant durement avec l'elegance des grandes tentes de soie ou de toile brodee qui abritaient les seigneurs. La jeune femme frissonna et resserra autour d'elle la grande etole de laine dont elle s'etait enveloppee.

— Que fais-tu, Catherine ? dit Arnaud du fond du lit. Pourquoi ne viens-tu pas ?

Elle ne repondit pas tout de suite. Son esprit comme son regard etaient hypnotises par le fayard aux pendus. Elle etait si lasse de ces horreurs qui, continuellement, se levaient sur ses pas ! Du sang ! Toujours du sang ! La sauvagerie des hommes effacait tout, jusqu'a la pure beaute de la nature. Pourquoi avait-il fallu qu'en arrivant dans ce lieu, ou elle avait espere trouver paix et bonheur, elle tombat d'abord sur ce rappel brutal de leur temps sans pitie ? Comment rever d'amour et de vie paisible a l'ombre d'un gibet ?

— Ces pendus, dit-elle enfin, ne pourrait-on...

Entre les rideaux a ramages du lit, la tete d'Arnaud

surgit, puis son corps brun, aussi nu que la main, car il n'etait pas d'usage de porter quoi que ce fut pour dormir. Avec decision, il marcha vers sa femme, l'enleva de terre et revint s'abattre avec elle sous les rideaux du lit.

— J'ai dit : viens, dame Catherine, et tu me dois obeissance ! Cesse de te tourmenter pour ces gens. Je les ferai mettre en terre demain pour te faire plaisir encore qu'ils n'en vaillent guere la peine : un petit cadeau de l'eveque de Saint-Flour, quelques-uns de ces tuchins1 dont il continue pieusement l'elevage

1 Le tuchinat avait ete, cinquante ans plus tot, une terrible revolte paysanne, nee de la misere affreuse qui devastait le pays. Le nom venait de tue-chiens, parce que les rebelles tuaient jusqu'aux chiens pour les devorer. L'eveque de Saint-Flour avait donne asile aux tuchinsqui avaient tout un quartier de la ville. Sous forme larvee, le tuchinat subsista de longues annees en Auvergne.

dans un bas quartier de sa ville. De temps en temps, il en lache une bande sur un chateau ou une cite qu'il convoite. Cela reussit rarement. On en prend toujours quelques-uns, on les branche et tout est dit jusqu'a la fois suivante. Heureusement, ces gens ne sont plus ce qu'ils etaient au temps de la grande revolte, encore qu'ils sachent faire bien du mal...

Il se tut brusquement. Tout en parlant, il avait deshabille Catherine et denoue ses cheveux que, par jeu, il enroulait autour de son propre cou. Il faisait presque noir, derriere ce rempart de rideaux, et, d'un geste impatient, il ecarta un peu d'etoffe avant d'enfoncer ses mains dans l'epaisse chevelure qui brillait doucement avec des reflets chauds. Il emprisonna etroitement la tete de Catherine, l'approcha de son visage.

— Je veux voir tes yeux, dit-il tendrement, ils palissent dans l'amour... ils deviennent alors presque clairs.

— Ecoute, murmura Catherine, je voudrais te dire...

— Chut ! Oublie tout cela ! N'y pense plus... Je t'aime ! Il n'y a plus rien que nous deux, toi et moi... Nous sommes seuls au milieu d'un monde vide. Bernard a raison quand il dit que tu es le plus precieux des tresors et, pourtant, il ne connait de ta beaute que ton visage, il ne sait rien des delices de ton corps. Je t'aime, Catherine, je t'aime a en mourir.

Des larmes qu'elle ne put retenir perlerent aux cils de la jeune femme.

— Mourir ? C'est moi qui suis condamnee a mourir. Marie m'a dit que je ne sortirai pas vivante d'ici, qu'elle me tuerait...

Elle sentit les mains d'Arnaud se crisper sur sa tete, elle vit se froncer ses sourcils, mais, brusquement, il eclata de rire.

— Je me demande laquelle de vous deux est la plus folle, de cette malheureuse qui dirait n'importe quoi pour t'empoisonner la vie, ou de toi qui crois comme parole d'Evangile tout ce qu'elle dit. Marie me connait trop bien pour rien tenter contre toi.

— Pourtant, si tu l'avais entendue...

— Allons, Catherine, cesse de deraisonner ! (La voix d'Arnaud s'etait faite dure, mais ses bras se nouaient autour de la taille de la jeune femme.) Je t'ai deja dit d'oublier tout cela ! Il n'y a qu'une realite au monde, toi et moi, nous deux, tu entends, rien que nous deux...

Catherine ne repondit pas. Tous les deux ? A cote, Isabelle dormait aupres du berceau de Michel. Sara partageait aussi cette chambre car elle refusait d'abandonner l'enfant a la grand-mere et defendait ses prerogatives de berceuse avec bec et ongles. Elle comprenait qu'Isabelle ferait tout pour detacher l'enfant de sa mere et entendait bien se mettre en travers.

Dans l'autre chambre, il y avait Marie, et Catherine songeait amerement que, dans l'une comme dans l'autre piece, quelqu'un revait de la depouiller : Isabelle de son fils, Marie de son epoux... Ou donc Arnaud prenait-il qu'ils n'etaient que deux ?

— Ne t'evade pas de moi, gronda Arnaud contre son oreille, tu ne dois songer qu'a notre amour quand nous sommes ensemble...

Il l'embrassa, mais, sous la bouche d'Arnaud, ses levres demeuraient froides et tremblantes. Elle ferma les yeux pour tenter de retenir des larmes qui roulaient sur ses joues. Arnaud jura entre ses dents puis, soudain furieux :

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