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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (электронная книга .txt) 📗

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— Je ne vous oublierai pas, Messire ! Et je prierai pour le succes de vos armes.

Sous ses caparacons rouge et argent, le destrier dansait avec des graces de demoiselle. Cadet Bernard s'inclina profondement sur sa selle, son regard souriant attache a Catherine qui, de sa fenetre, lui adressait une reverence. Puis le cheval volta et, au petit trot, Bernard d'Armagnac s'en alla prendre la tete de sa cavalerie. Arnaud le suivit, Fortunat qui desormais lui servait d'ecuyer sur les talons. En passant devant sa femme, il leva sa main gantee de fer noir et sourit.

Mais l'etrange inquietude eprouvee la nuit precedente reprit Catherine. Le sourire d'Arnaud etait d'une affreuse tristesse et ses traits tires comme s'il n'avait pas ferme l'?il de la nuit.

Pourtant, l'attention de Catherine se detacha subitement de son epoux. En face d'elle, presque a sa hauteur, un homme d'armes se tenait debout sur le chemin de ronde, appuye des deux mains a un fauchard etincelant. Le camail d'acier enchassait un large visage a la peau olivatre, aux petits yeux porcins qui semblaient gros comme des tetes d'epingle.

L'homme riait mechamment en la regardant et Catherine, stupefaite, reconnut le sergent Escorneb?uf, le chef de l'escorte que Xaintrailles leur avait donnee a Bourges et qui avait disparu si mysterieusement de l'abbaye d'Aurillac apres avoir ete corrige par Arnaud.

Instinctivement, elle se rejeta en arriere, dans l'ombre de sa chambre, appelant Sara aupres d'elle d'un geste. Elle lui designa l'homme qui n'avait pas ; bouge.

— Regarde, dit-elle. Tu le reconnais ?

Sara fronca les sourcils mais haussa les epaules.

— Je sais depuis hier soir qu'il est ici. Je l'avais reconnu. Il parait qu'il est venu a Carlat tout droit en quittant Aurillac, et c'est normal, a ce que l'on dit, puisque c'est a la fois tout pres de la ville et la seule forteresse du maitre d'Escorneb?uf, le comte d'Armagnac. Il n'est donc pas etonnant de le voir ici.

— Arnaud le sait ?

— Oui. Il a un ?il auquel rien n'echappe. Mais Escorneb?uf lui a presente des excuses apres avoir demande au comte Bernard de plaider pour lui. Oh, j'ai bien vu que cela ne plaisait guere a messire Arnaud, mais il ne pouvait pas refuser.

— Des excuses ! murmura Catherine sans perdre de vue l'immense sergent. Je n'y crois guere.

Il suffisait de voir le sourire menacant du gros homme pour comprendre que ces excuses n'etaient qu'une ruse, cachant sans doute un profond desir de vengeance.

— Moi non plus, fit Sara. Et il y a plus inquietant. Hier soir, j'ai vu Escorneb?uf pres de la chapelle. Il parlait avec ton amie Marie et la conversation etait animee, je t'assure. Mais, lorsqu'ils m'ont vue, ils se sont separes...

— Etrange ! fit Catherine en tordant le bout d'une de ses nattes entre ses doigts. Comment pourraient-ils se connaitre ?

Sara cracha par terre avec un degout non dissimule.

— Cette fille est capable de tout, fit-elle. Tu sais, elle serait un peu sorciere que cela ne m'etonnerait pas. Elle aura devine en Escorneb?uf quelqu'un d'aussi malfaisant qu'elle-meme.

La porte s'ouvrit, sans que personne y eut frappe. Isabelle de Montsalvy apparut, vetue de noir de la tete aux pieds. Un long manteau l'enveloppait du col aux talons et un escoffion de voile, noir aussi, donnait a son visage mince une hauteur impressionnante. Dans l'ombre de son manteau, on apercevait la figure de fouine de Marie. La mere d'Arnaud s'arreta au seuil et, sans meme un salut :

— Venez-vous ? dit-elle. La messe va commencer...

— Je viens, fit seulement Catherine.

Elle prit un manteau a capuchon, s'en enveloppa, rabattit la capuche sur sa tete nue et suivit sa belle- mere apres avoir pose un baiser leger sur le front de Michel que Sara avait depose au creux des oreillers du grand lit.

Le soleil etait a son declin lorsque Arnaud regagna le chateau. Avec Fortunat et la dizaine d'hommes qu'il avait emmenes, il avait battu les alentours pour s'assurer que rien de suspect ne s'y dissimulait. Ensuite, il s'etait arrete assez longuement au village de Carlat pour interroger les notables, examiner les reserves de vivres et aussi tenter d'insuffler un peu d'espoir a ces paysans decourages qui, depuis des annees, vivaient en alerte perpetuelle, prets a chaque instant a fuir ou ! a se battre.

Deux choses frapperent Catherine quand Arnaud entra dans la grande salle, nettoyee a fond et jonchee de paille fraiche, ou la famille l'attendait pour souper : l'expression soucieuse de son visage et le fait qu'il n'avait pas ote son armure. Il lui parut plus pale encore que le matin. Tout de suite alarmee, elle courut a sa rencontre, tendant deja les bras pour l'etreindre, mais il la repoussa doucement.

— Non, ne m'embrasse pas, ma mie ! Je suis sale et je me sens fievreux. Mes vieilles blessures me font souffrir. J'ai du prendre quelque refroidissement et tu ne dois pas, toi, risquer d'etre malade.

— Que m'importe ? s'ecria Catherine furieuse de deviner derriere son dos le sourire satisfait de Marie.

Arnaud sourit, leva la main pour la poser sur la tete de sa femme, mais retint son geste avant de l'achever.

— Pense a ton fils. Tu le nourris encore, il a besoin d'une mere en parfaite sante.

C'etait la logique, la sagesse meme, mais Catherine ne put se defendre d'un serrement de c?ur. Pourtant, elle constata qu'il presentait a sa mere des excuses analogues, s'inclinait seulement devant elle et devant Marie. Isabelle de Montsalvy examinait son fils avec une surprise nuancee d'inquietude.

— Pourquoi encore arme ? Penses-tu souper avec cinquante livres de fer sur le dos ?

— Non, ma mere. Je ne souperai pas... pas ici tout au moins. Je suis inquiet. Les paysans signalent d'etranges allees et venues, la nuit. On a vu des hommes s'approcher des murs exterieurs, d'autres meme, tenter l'escalade du roc. Il faut que j'apprenne a fond les ressources de ce chateau, que je connaisse aussi mes hommes. Je vais vivre avec eux quelques jours.

J'ai deja ordonne qu'on me dresse un lit de camp dans la tour Saint-Jean, la plus avancee de l'eperon rocheux...

Il se tourna vers Catherine. Pale et le c?ur gros, elle retenait par orgueil la plainte qui lui venait tout naturellement.

Pourquoi voulait-il s'isoler d'elle, la priver de ce qui formait le plus clair de son bonheur : leurs merveilleuses heures d'intimite.

— Il nous faut etre raisonnables, mon c?ur. Nous sommes en guerre et j'ai de lourdes responsabilites.

— Si tu veux loger dans la tour Saint-Jean, pourquoi n'irais-je pas aussi ?

— Parce qu'une femme n'a rien a faire dans un corps de garde ! coupa sechement la mere d'Arnaud. Il est temps que vous appreniez qu'une femme de guerrier doit, d'abord, apprendre a obeir !

— Une femme de guerrier doit-elle, necessairement, avoir un c?ur cuirasse de fer, doit-elle mettre une armure a son ame ? lanca Catherine deja revoltee.

— Pourquoi non ? Les femmes de notre maison n'ont jamais faibli, meme quand c'etait difficile, surtout quand c'etait difficile ! Il est evident que vous n'avez pas ete elevee dans ces sentiments.

Le dedain etait flagrant dans le ton de la vieille dame et Catherine, deja sensibilisee par sa deception, l'eprouva cruellement. Blessee, elle allait repliquer, mais Arnaud s'interposa.

— Laissez-la, mere ! Si vous ne pouvez la comprendre, au moins ne le lui faites pas sentir ! Et toi, ma mie, tu seras courageuse parce qu'il le faut.

Sara dormira pres de toi. Je ne veux pas que tu sois seule.

Il s'eloignait deja avec un geste de la main et Catherine fit un effort sur elle-meme pour garder contenance malgre L'envie de pleurer qui montait. Ce soir, les choses reprenaient cet aspect absurde et inquietant qu'un instant elles avaient perdu. Cadet Bernard avait-il emporte aux sabots de son cheval la securite, la joie de vivre et l'insouciance ? Et les fantomes de la peur et du doute, ecartes pour un temps par son vigoureux bon sens, allaient-ils revenir ? Catherine eprouva une penible sensation d'etouffement. Les murs semblaient s'incliner vers elle pour l'ensevelir. Que faisait-elle dans cette salle etrangere, entre ces deux femmes hostiles ? Pourquoi Arnaud la laissait-il seule ? Ne savait-il pas que, sans lui, rien n'avait de gout, ni de couleur ? Chacune de ses absences durait le temps d'un hiver... La voix seche de sa belle-mere la rejoignit au fond de sa solitude.

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