Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (электронная книга .txt) 📗
— Elle essaie de le sauver ! Et je vous ordonne de la laisser en paix ! On a tue mon fils, vous entendez, on me l'a tue...
Je l'ai trouve etouffe sous ses couvertures qu'on avait ramenees sur sa tete ! Il est mort... tue par vous !
La grand-mere devint livide. Elle chancela, se retint au manteau de la cheminee. D'un seul coup, elle se courba, elle eut cent ans. En franchissant ses levres decolorees, sa voix n'etait qu'a peine un souffle.
— Mort ?... Tue ?
Elle repetait les mots terribles comme si elle ne les comprenait pas. Quand elle se tourna vers Catherine, tous les traits de son visage s'etaient effondres, ses yeux regardaient comme s'ils ne voyaient plus.
— Qui l'a tue ? balbutia-t-elle. Pourquoi dites-vous que c'est moi... moi ? Tuer mon petit Michel. Mais vous etes folle!
C'etait dit sans colere, presque calmement, une simple constatation. Et il y avait tant de douleur vraie dans ces quelques mots que Catherine sentit, elle aussi, le chagrin l'emporter sur la colere. Elle etait lasse, tout a coup, lasse a mourir.
— Pardonnez-moi, murmura-t-elle. Si vous n'aviez pas retenu ici votre maudite Marie, contre la volonte d'Arnaud et contre la mienne, nous n'en serions pas la. C'est elle, la criminelle...
— L'accusation etait venue d'elle-meme et la veracite de ses paroles frappait Catherine a mesure qu'elle les prononcait. Elle voyait encore Marie sortant, vivement, mais presque furtivement, du logis... Qui donc la haissait assez pour oser s'attaquer a son petit enfant, sinon la vipere de Comborn ? Mais, sur le visage d'Isabelle de Montsalvy, la stupefaction se melait a l'incredulite. Ce n'est pas possible ! Elle ne ferait pas une chose pareille. Vous la detestez parce qu'elle aime mon fils. Mais elle l'a toujours aime... et ce n'est pas de sa faute. Personne n'est maitre de son c?ur !
Catherine haussa les epaules. Courbee vers le lit, , Sara continuait a frictionner le bebe et a lui souffler dans la bouche.
— Elle me hait au point de faire n'importe quoi. Elle a tente de me tuer, moi, il n'y a pas une heure ! jSans Gauthier je devrais etre au fond de l'oubliette du donjon, les reins casses. Elle ne ferait pas une chose pareille, dites-vous ? Elle ferait pire encore pour effacer jusqu'a mon souvenir de la surface de cette terre ; et de la memoire de mon seigneur.
— Taisez-vous ! Je vous defends d'accuser Marie. Elle est de mon sang. Je l'ai presque elevee.
— Felicitations ! fit Catherine amerement. Oh ! je n'ai jamais espere etre crue de vous ! Mais je vous jure que, ce soir, elle aura quitte cet endroit. Sinon ce sera moi ! Au fond, ajouta la jeune femme avec douleur, c'est ce que vous prefereriez, n'est-ce pas, maintenant que mon enfant...
Le cri de Sara vint, comme une reponse.
— Il vit ! Il respire !
Un meme mouvement jeta la mere et la grand-mere vers le grand lit. Entre les fortes mains de Sara, le bebe avait perdu sa tragique teinte bleutee. Sa bouche s'ouvrait comme celle d'un petit poisson tire de l'eau. Les membres s'agitaient faiblement. Par-dessus son epaule, Sara lanca vers Isabelle :
— Faites chauffer les langes devant le feu !
Et la grand-mere obeit avec empressement. Ses yeux etaient pleins de larmes mais aussi pleins de lumiere.
— Il vit ! balbutia-t-elle. Mon Dieu ! Soyez beni !
A genoux pres du lit, Catherine pleurait et riait tout
a la fois. Michel reprenait conscience de plus en plus vite tandis que Sara continuait a lui administrer de petites tapes. Ce traitement finit sans doute par lui deplaire profondement car, brusquement, il devint rouge vif, ouvrit la bouche en grand et se mit a hurler avec conviction. Jamais musique ne parut plus belle a Catherine qui, assise sur ses talons, l'ecoutait extasiee tandis que Sara prenait vivement les langes chauds des mains d'Isabelle pour en envelopper le petit corps gigotant. Mais Catherine, au vol, attrapa l'une des mains de sa vieille amie et, l'appuyant contre son visage inonde de larmes, la couvrit de baisers.
— Tu l'as sauve ! hoqueta-t-elle. Tu me l'as rendu ! Merci ! Oh, merci !
Sara enveloppa la jeune femme d'un regard charge de tendresse. Se penchant vivement, elle l'embrassa sur le front et retira sa main.
— Allons ! Allons ! bougonna-t-elle. Ne pleurez plus ! C'est fini.
Elle acheva rapidement d'emmailloter Michel puis l'offrit a sa mere. Catherine le prit dans ses bras avec un profond sentiment de bonheur. Il y avait une flamme chaude au milieu de son etre. C'etait comme si la vie s'etait retiree d'elle et revenait maintenant a grands flots brulants. Elle couvrit de baisers les soyeux cheveux blonds, mais, par-dessus la tete de l'enfant, son regard rencontra celui d'Isabelle. Elle se tenait debout de l'autre cote du lit, les bras ballants, et elle regardait la mere et l'enfant avec un air affame qui fit mal a Catherine. Elle etait trop heureuse pour n'etre pas genereuse. Elle tendit l'enfant avec un beau sourire.
Tenez ! dit-elle gentiment. A vous ! Quelque chose s'emut dans le visage fige de la vieille dame.
Elle avanca des mains chargees d'adoration et regarda Catherine bien en face. Sa bouche s'ouvrit mais aucun son ne vint. Elle eut un sourire tremblant puis, serrant le bebe sur son c?ur comme un tresor, elle alla lentement s'asseoir aupres de la cheminee. Catherine contempla un moment cette sombre madone en voiles noirs penchee sur un bambin blond qui gazouillait. Puis se detourna avec decision et, sans plus s'occuper d'Isabelle, arracha sa robe trempee qu'elle remplaca par une autre. C'etait la robe de lainage vert, aux rubans de velours noir, qu'elle avait portee le soir de son mariage. Quand elle l'eut ajustee, elle se recoiffa, lissa posement ses nattes, les roula en couronne autour de sa tete.
Ensuite, elle prit t un manteau, s'en enveloppa. Sara, sans mot dire, la regardait faire. Quand Catherine fut prete, la gitane demanda :
— Ou vas-tu ?
— Regler mes comptes une bonne fois. Ce qui s'est passe aujourd'hui ne doit plus se reproduire.
Sara laissa son regard glisser jusqu'a Isabelle, revint a Catherine et baissa la voix.
— Avec qui veux-tu regler tes comptes ? Avec cette fille ?
— Non. Il suffit de la chasser. C'est avec Arnaud que je veux m'expliquer. Il doit apprendre ce qui nous est arrive, a Michel et a moi. Je pense que, cette fois, il acceptera de m'entendre. A moins qu'il ne fuie encore devant moi comme il l'a fait tous ces jours.
L'angoisse qui vibrait dans la voix de Catherine remua Sara. Elle prit la jeune femme aux epaules, la tint un instant contre elle en serrant si fort que Catherine sentit battre, a grands coups reguliers, le c?ur de sa fidele amie. Un court moment, elle appuya son front au creux de l'accueillante epaule, s'abandonna.
— Je ne sais plus, Sara ! Que dois-je croire ? Que dois-je penser ? Il est devenu si bizarre, ces derniers temps. Que lui ai-je fait ? Pourquoi me fuit-il ?
— Tu n'es pas la seule, il me semble.
— Non. Mais c'est moi surtout qu'il fuit, je l'aime trop pour ne pas sentir cela au plus profond de ma chair. Et pourquoi, pourquoi ?
Sara garda le silence quelques secondes. Par-dessus la tete de Catherine, son visage refletait une immense compassion. Ses levres s'appuyerent vivement sur la peau fine de la tempe. Puis elle soupira.
— Peut-etre n'est-ce pas tellement toi qu'il fuit. Vois-tu, il arrive qu'un homme cherche a se fuir lui- i meme. C'est alors beaucoup plus grave !
Les etuves de Carlat etaient antiques et rudimentaires. Elles n'avaient rien de comparable avec les vastes salles, peintes et tendues de toiles brodees ou les habitants des palais de Bourgogne se baignaient dans ces cuves d'etain poli ou d'argent cisele. C'etait seulement une salle basse et voutee au centre de laquelle s'ouvrait une cuve de pierre. Aupres de la cuve un grand chaudron contenait l'eau qui chauffait a un trepied de fer dispose sous un trou d'aeration. Dans un autre coin, une simple planche de bois posee sur des treteaux servait de table de massage. Une rigole, creusee dans le sol et communiquant par un trou avec l'exterieur de la muraille, assurait la vidange. L'endroit etait tres obscur. On y descendait par trois marches taillees a meme le roc et seul un pot a feu enchasse dans un grillage de fer eclairait la piece.