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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (электронная книга .txt) 📗

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— Que s'est-il passe avec Michel ?

— Oh, mon amour... j'ai cru devenir folle !

Retenant avec peine les larmes qui lui venaient au

souvenir des minutes d'agonie qu'elle avait vecues, elle raconta comment elle avait trouve l'enfant mourant et comment Sara l'avait sauve. L'evocation en etait si cruelle encore qu'avide d'un tendre refuge elle se leva, courut a son mari et voulut l'entourer de ses bras. Mais, la repoussant doucement d'une main, il s'ecarta.

— Non ! Ne me touche pas !

Son elan brise, Catherine s'arreta comme foudroyee. Son visage petrifie, ses prunelles agrandies avaient l'expression stupefiee du soldat qu'une fleche fauche en pleine course et jette aux bras de la mort quand il pensait atteindre la gloire.

Le recul d'Arnaud l'avait frappee au c?ur et, dans le terrible silence qui tombait, elle ecoutait mourir en elle l'echo des incroyables paroles. Pour s'en delivrer, elle repeta, incredule :

— Tu as dit... « Ne me touche pas » ?

De nouveau le silence ! Ecrasant, insoutenable ! Arnaud se detournait, reprenait ses vetements poses sur un escabeau, s'en revetait. Catherine suivait des yeux chacun de ses mouvements, attendant qu'il parlat, qu'il donnat une explication valable de son attitude... Mais il ne disait rien, pas un mot ! Il ne la regardait meme pas ! Alors, elle demanda, d'une toute petite voix :

— Pourquoi ?

Il ne repondit pas tout de suite. Tete baissee, un pied pose sur les marches, les mains accrochees a la ceinture de cuir de son justaucorps, il semblait reflechir. Enfin, il releva la tete.

— Je ne peux pas te le dire... pas maintenant ! Tout ce qui s'est passe aujourd'hui est tellement incroyable.

— Tu ne me crois pas ?

— Je n'ai pas dit cela ! Simplement, j'ai besoin d'y penser ! Il faut que je sois seul pour cela.

Catherine se raidit, redressa la tete dans un sursaut d'orgueil. Ou etait leur douce intimite, cette confiance absolue, si merveilleuse qu'ils avaient l'un dans l'autre ? A cette heure, il y avait, entre eux, un abime dont Catherine ne parvenait pas a sonder la profondeur, mais qu'elle pressentait terrifiant. Il lui parlait comme a une etrangere, il voulait reflechir « a tout cela... », a cette double tentative de meurtre qu'il eut du sanctionner aussitot par la plus violente rigueur ! Une amere vague de deception emplit la bouche de la jeune femme, mais elle se refusa a le montrer.

— Et cette fille, Marie, que vas-tu en faire ?

— A cela aussi il faut que je songe !

— Il faut que tu songes ? articula Catherine dedaigneusement. Fort bien, mais auparavant ecoute-moi : cette fille partira ce soir meme, sinon c'est moi qui m'en irai, avec mon enfant.

— Ou irais-tu ?

— C'est mon affaire ! Ou tu la chasses ou je pars ! Je ne vivrai pas un jour de plus sous le meme toit que cette meurtriere !

Arnaud fit un pas vers Catherine, vint au plein de la lumiere et l'aspect ravage de son visage, ses yeux de somnambule la frapperent.

— Attends jusqu'a demain, je t'en supplie ! Demain seulement ! Demain, je parlerai, j'aurai pris ma decision. Rien qu'une seule nuit !

Il passait une main fievreuse sur son front ou perlait la sueur. Il semblait si egare tout a coup que Catherine oublia son orgueil. Tout son amour lui remonta aux levres. Elle tendit vers lui des mains qui suppliaient.

— Je t'en prie, mon doux seigneur, reprends-toi ! Depuis des jours et des jours tu n'es plus toi-meme et moi il me semble vivre un mauvais reve. As-tu donc tout oublie ? Je suis Catherine, je suis ta femme, et je t'aime plus que tout au monde ! As-tu oublie notre amour, nos baisers... nos nuits de passion ? Cette derniere nuit ou je craignais pour ma vie et ou, dans tes bras, j'ai crie de plaisir...

Il lui tourna le dos brusquement, comme s'il ne pouvait plus endurer sa vue, se boucha les oreilles de ses deux mains qui tremblaient.

— Tais-toi, Catherine, tais-toi !... Et pour l'amour de Dieu, laisse-moi seul, toi aussi ! Demain, j'en jure mon honneur, je leverai toutes tes incertitudes... je prendrai une decision ! Je te le promets ! Mais jusque-la laisse-moi !

Les mains de Catherine retomberent, inertes, le long de sa robe. Elle se detourna, remonta vers la porte, l'ouvrit, puis, la main sur la barre d'ouverture :

— Demain ? dit-elle d'une voix blanche. C'est bien, j'attendrai a demain. Tu me feras prevenir quand tu desireras me voir ! Mais pas plus tard, Arnaud ! Je n'attendrai pas un jour de plus !

Toute la nuit, Catherine, incapable de trouver meme un instant de sommeil, ecouta la tempete tournoyer autour des murs de la forteresse. Assise sur la pierre de l'atre, une couverture sur le dos, elle demeura la des heures, les jambes repliees sous elle, les mains nouees aux genoux, les yeux vides, regardant sans les voir les flammes que le vent couchait.

L'ouragan faisait rage sur tout le pays, mais semblait s'acharner sur le roc seigneurial comme les vagues dechainees de l'ocean sur un vaisseau de haut bord. Parfois, entre les hurlements du vent, on entendait claquer un volet, craquer des branches ou s'envoler les lauzes d'un toit. Tous les demons de la terre et du ciel etaient laches cette nuit, mais Catherine se complaisait au milieu de cette tourmente correspondant si bien a celle, interieure, qui la ravageait. Dans sa poitrine, son c?ur criait d'angoisse et de chagrin. Elle se torturait a chercher une impossible reponse a toutes ces questions qu'elle se posait. De temps en temps, Sara, assise en face d'elle, l'entendait murmurer :

— Pourquoi... mais pourquoi ?

De lourdes larmes coulaient alors, silencieusement, le long des joues de La jeune femme et jusque sur le drap vert de sa robe. Puis elle retombait dans son mutisme. Ce desespoir muet avait quelque chose de si poignant que Sara voulut tenter de l'alleger.

— Tu te martyrises en vain, Catherine, soupira-t-elle. Tu cherches en vain a comprendre l'incomprehensible. Pourquoi ne pas attendre calmement demain ?

— Demain ? Et que m'apportera demain, sinon un peu plus de douleur ? Si, si, je le sais !... Je le sens la ! fit-elle, un doigt appuye sur son c?ur. Ce que je cherche a savoir, c'est ce qui s'est passe, pourquoi, si soudainement, Arnaud a change. Il m'aimait, j'en suis certaine. Oh ! Comme il m'aimait ! Et tout a coup il s'est detourne de moi comme si je lui etais devenue subitement etrangere. Nous n'etions qu'une seule chair, une seule ame... et maintenant ?

— Maintenant, fit Sara placidement, tu laisses trotter ton imagination sans grande raison. Ton epoux t'a- t-il dit qu'il ne t'aimait plus ?

— Il me le montre, c'est pire !

— En manquant d'etrangler cette Marie parce qu'elle a insinue des horreurs sur Gauthier et toi ? En faisant rechercher partout pour le pendre cette maudite canaille d'Escorneb?uf... qui, d'ailleurs, a encore trouve le moyen de disparaitre ? Si ce n'est pas de la jalousie...

— Il a le sens de la propriete, c'est tout different !

Sara soupira, se leva et alla jusqu'a la fenetre. Un

peu avant le couvre-feu, elle avait vu la dame de Montsalvy se rendre a la chapelle, sans doute pour une derniere priere. Il y avait de cela au moins trois heures et voila qu'elle apercevait la haute silhouette de la vieille dame.

— Ta belle-mere sort seulement de la chapelle, dit- elle. Je me demande ce qu'elle a pu y faire tout ce temps. Oh !

Viens voir !

A contrec?ur, car elle ne se sentait l'envie de s'interesser a rien, Catherine vint rejoindre Sara, jeta un coup d'?il dans la cour. Le comportement d'Isabelle etait etrange. Elle zigzaguait comme une femme ivre. Le vent faisait claquer son grand manteau. Son voile s'envola, mais elle ne s'en soucia pas. Catherine la vit porter la main a sa tete comme si elle etait prise de vertige. En atteignant le mur du logis, le reflet du feu allume dans la salle de garde frappa le visage ride a travers les vitraux. Il etait bleme et les yeux etaient egares. Isabelle s'agrippa au mur, s'y appuya un instant. Ses mouvements saccades semblaient lui couter un effort terrible.

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