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Belle Catherine - Бенцони Жюльетта (электронная книга .txt) 📗

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— Pourquoi ne me conviendrait-elle pas ? Celle-la ou une autre... Ou dois-je rencontrer mon epoux ? Viendra-t-il jusqu'ici ?

L'air gene de l'ecuyer n'echappa pas a la jeune femme. Il baissa le nez, tortilla son bonnet entre ses doigts.

— Non. Il m'enverra vous chercher. Il y a, depuis l'aube, des mouvements suspects dans la campagne. Monseigneur ne quittera pas les defenses.

Ce dialogue courtois et officiel eut le don d'exasperer Sara. Elle empoigna Fortunat par les epaules et le remit debout de force, puis elle le fit pivoter pour l'amener en face d'elle. Le visage crucifie de Catherine etait pour beaucoup dans sa violence.

— Assez de ceremonies, mon garcon ! J'ai, moi, quelques questions a te poser. J'imagine que tu n'as guere quitte ton maitre depuis hier ?

— En effet.

— Qu'a-t-il fait depuis le moment ou il est sorti des etuves ?

Il s'est rendu au corps de garde ou il a donne les instructions pour la nuit. Puis il est rentre chez lui et je lui ai servi un peu de venaison froide. Ensuite, il s'est rendu a la chapelle. Sa mere est venue le rejoindre. J'ignore ce qu'ils se sont dit, mais cela a dure longtemps.

Sara approuva d'un signe puis :

— Continue... Apres ? A-t-il cherche a voir la demoiselle de Comborn ?

— Oui, repondit Fortunat qui, instinctivement, baissa la voix, jetant autour de lui des regards inquiets. Il m'a envoye la chercher, apres la chapelle. Elle dormait, j'ai du l'eveiller. Il s'est enferme avec elle et la non plus je ne sais pas ce qu'ils se sont dit... mais j'ai entendu crier !

— Crier ? Qui criait ?

— La demoiselle ! Je ne comprenais pas, bien sur, mais j'ai compris, un moment plus tard quand la porte s'est ouverte et que monseigneur m'a appele. II... il tenait encore a la main un fouet a chiens dont il venait sans doute de se servir car la demoiselle etait tassee dans un coin. Ses vetements etaient dechires et elle tremblait comme une feuille. Monseigneur me l'a designee : « Enferme-la dans la tour Guillot, m'a-t-il dit. Donne-lui ce qu'il lui faut, mais qu'elle n'en sorte sous aucun pretexte. Tu mettras deux hommes a sa porte. Personne ne doit l'approcher... »

Catherine et Sara echangerent un regard perplexe. Qu'Arnaud eut frappe Marie apres ce qui s'etait passe s'expliquait aisement, mais pourquoi cet emprisonnement alors que le plus simple etait encore de la hisser sur un cheval aux premiers feux de l'aurore et de la reexpedier sous escorte a Comborn ?

— Decidement, il tient a la garder ! commenta aigrement Catherine.

— Fortunat vient de dire qu'il y avait des mouvements suspects dans la vallee, se hata d'interrompre Sara. Messire Arnaud ne peut sans doute la renvoyer aujourd'hui, ni surtout se demunir de quelques hommes pour elle.

Il n'a qu'a la renvoyer seule, s'ecria Catherine furieuse. Que de precautions pour une meurtriere ! Qu'elle s'en aille... a la grace du Diable et s'il lui arrive quelque chose, ce ne sera, apres tout, que justice !

L'ecuyer ecarta les bras en un geste d'impuissance. La colere de Catherine lui semblait legitime, mais il s'etait pris pour son maitre d'une admiration sans bornes et d'un devouement quasi religieux qui lui interdisaient toute critique meme legere. Il se contenta de s'incliner de nouveau, de repeter: «Apres la messe, vers l'heure de tierce... » puis disparut.

Catherine s'etait mise a tourner en rond dans la piece, comme une bete en cage, maitrisant difficilement son irritation croissante. Elle eut aime pouvoir se livrer a quelque geste de violence, pouvoir, comme un homme, crier, hurler, injurier la terre et le ciel, etouffer sous les gemissements des autres les plaintes de son propre c?ur. Elle comprenait, brusquement, la volupte qu'il y a dans le mal quand la souffrance affole et se fait intolerable.

— Je sais ! fit Sara qui, depuis bien longtemps, avait appris a lire dans sa pensee, mais les femmes n'ont droit qu'aux larmes ou au silence. Il est temps de nous occuper de ton fils. Ensuite, je t'aiderai a te preparer pour la messe.

Autour d'elle, le chateau s'eveillait. Sur les murailles, les cris des sentinelles se repondaient d'une tour a l'autre, les portes des etables et des ecuries s'ouvraient en grincant, les valets s'interpellaient a grands cris. On sortait les chevaux pour les soigner, la basse-cour retentissait des cris de la volaille et des grosses plaisanteries des servantes. Dans la forge, le marechal-ferrant tapait deja sur son enclume et la cloche de la chapelle sonnait l'office de l'aube. Catherine aimait, ordinairement, ce tintamarre matinal, mais, ce matin, il l'irrita. Elle eut prefere un grand silence pour mieux entendre battre son c?ur. Apres avoir soigne Michel et l'avoir allaite, elle se fit apporter un cuveau plein d'eau bien chaude et s'y trempa tout entiere pour tenter de chasser la fatigue et la sensation de malaise qu'elle devait a sa nuit d'insomnie. Armee d'une brosse, Sara la frictionna jusqu'a ce que sa peau devint d'un beau rouge clair. Apres quelques instants de ce traitement, Catherine se sentit mieux, le corps plus detendu et l'esprit plus clair. Le courage aussi lui revenait avec l'instinct combatif, l'envie de sortir de ce marasme invraisemblable dans lequel elle s'enlisait. Avant d'en venir aux solutions extremes, avant de songer a tout abandonner pour rentrer chez elle, la jeune femme etait decidee a se battre jusqu'au bout !

Ce changement, Sara s'en rendit compte a la maniere dont Catherine redressa la tete pour y poser la coiffure de fine toile de lin blanche, brodee et tendue sur un petit hennin court et tronque, fait de grosse toile raide et empesee. Il y avait de la determination dans le mouvement du long cou flexible, dans l'eclair belliqueux des larges yeux sombres.

— Voila qui est bien ! fit-elle avec un demi-sourire sans preciser s'il s'agissait des sentiments de Catherine ou de sa toilette. Va maintenant ! Moi, je reste ici avec le petit.

Catherine saisit sa grande cape noire et s'en enveloppa comme la cloche de la chapelle sonnait le premier coup de la messe. Elle descendit l'escalier, traversa la salle des gardes ou Fortunat etait occupe a astiquer une longue epee tandis que deux archers s'evertuaient a ranimer un feu plus que languissant. Au seuil du logis elle s'arreta un instant pour humer l'air frais. La tempete avait cesse, laissant derriere elle un ciel bien net, d'un joli bleu doux. L'air avait des transparences de cristal et charriait des senteurs de bois mouille et d'herbe neuve. La cour, le vieux fayard aux branches tordues et tout l'immense paysage etaient laves de frais. Catherine s'impregna durant quelques secondes de tout ce renouveau, puis se dirigea lentement vers la chapelle. Elle jeta un regard a la tour Saint-Jean, muette et silencieuse, puis a la tour Guillot.

Mais, la non plus, aucun signe de vie. Des servantes qui se rendaient aussi a la messe s'ecarterent pour la laisser passer et firent la reverence sur son passage. Elle reconnut parmi elles la grosse fille des etuves, mais s'eloigna sans la regarder.

Dans la chapelle, il regnait une humidite et une odeur de cave. Les enormes moellons des murs suintaient l'eau qui rouillait les ferrures et laissait de longues trainees d'un noir verdatre sur le bois antique du vieux crucifix. Catherine frissonna en gagnant le banc seigneurial ou personne ne l'attendait. Le cure de Carlat, qui officiait ordinairement au chateau, commenca la messe des qu'elle fut arrivee. C'etait un petit vieillard fragile et timide qui se tenait voute le plus souvent et semblait toujours sous le coup de quelque terreur. Mais il avait de doux yeux compatissants et Catherine, qu'il avait deja entendue en confession, savait que son ame avait quelque chose d'angelique et debordait de pitie pour les malheureux humains accroches a leurs peches.

Elle s'agenouilla, ouvrit le lourd missel aux ferrures d'argent pose devant elle et s'efforca de suivre le service divin.

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