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Sc?nes De La Vie De Boh?me - Murger Henry (электронную книгу бесплатно без регистрации .TXT) 📗

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II

C'etait le 24 decembre, et ce soir-la le quartier latin avait une physionomie particuliere. Des quatre heures du soir, les bureaux du mont-de-piete, les boutiques des fripiers et celles des bouquinistes avaient ete encombrees par une foule bruyante qui s'en vint dans la soiree prendre d'assaut les boutiques des charcutiers, des rotisseurs et des epiciers. Les garcons de comptoir, eussent-ils eu cent sous comme Briaree, n'auraient pu suffire a servir les chalands qui s'arrachaient les provisions. On faisait la queue chez les boulangers comme aux jours de disette. Les marchands de vins ecoulaient les produits de trois vendanges, et un statisticien habile aurait eu peine a nombrer le chiffre des jambonneaux et des saucissons qui se debiterent chez le celebre Borel de la rue dauphine. Dans cette seule soiree, le pere Cretaine, dit Petit-Pain , epuisa dix-huit editions de ses gateaux au beurre. Pendant toute la nuit, des clameurs bruyantes s'echappaient des maisons garnies dont les fenetres flamboyaient, et une atmosphere de kermesse emplissait le quartier.

On celebrait l'antique solennite du reveillon.

Ce soir-la, sur les dix heures, Marcel et Rodolphe rentraient chez eux assez tristement. En remontant la rue dauphine, ils apercurent une grande affluence dans la boutique d'un charcutier marchand de comestibles, et ils s'arreterent un instant aux carreaux, tantalises par le spectacle des odorantes productions gastronomiques; les deux bohemes ressemblaient, dans leur contemplation, a ce personnage d'un roman espagnol, qui faisait maigrir les jambons rien qu'en les regardant.

– Ceci s'appelle une dinde truffee, disait Marcel en indiquant une magnifique volaille laissant voir, a travers son epiderme rose et transparent, les tubercules perigourdins dont elle etait farcie. J'ai vu des gens impies manger de cela sans se mettre a genoux devant, ajouta le peintre en jetant sur la dinde des regards capables de la faire rotir.

– Et que penses-tu de ce modeste gigot de pre-sale? ajouta Rodolphe. Comme c'est beau de couleur, on le dirait fraichement decroche de cette boutique de charcutier qu'on voit dans un tableau de Jordaens. Ce gigot est le mets favori des dieux, et de Madame Chandelier, ma marraine.

– Vois un peu ces poissons, reprit Marcel en montrant des truites, ce sont les plus habiles nageurs de la race aquatique. Ces petites betes, qui ont l'air de n'avoir aucune pretention, pourraient pourtant s'amasser des rentes en faisant des tours de force; figure-toi que ca remonte le courant d'un torrent a pic aussi facilement que nous accepterions une invitation a souper ou deux. J'ai failli en manger.

– Et la-bas, ces gros fruits dores a cone, dont le feuillage ressemble a une panoplie de sabres sauvages, on appelle sa des ananas, c'est la pomme de reinette des tropiques.

– Ca m'est egal, repondit Marcel, en fait de fruits je prefere ce morceau de b?uf, ce jambon ou ce simple jambonneau cuirasse d'une gelee transparente comme de l'ambre.

– Tu as raison, reprit Rodolphe; le jambon est l'ami de l'homme, quand il en a. Cependant je ne repousserais pas ce faisan.

– Je le crois bien, c'est le plat des tetes couronnees.

Et comme en continuant leur chemin ils rencontrerent de joyeuses processions qui rentraient pour feter Momus, Bacchus, Comus et toutes les gourmandes divinites en us , ils se demanderent l'un l'autre quel etait le seigneur Gamache dont on celebrait les noces avec une si grande profusion de victuailles.

Marcel fut le premier qui se rappela la date et la fete du jour.

– C'est aujourd'hui reveillon, dit-il.

– Te souviens-tu de celui que nous avons fait l'an dernier? fit Rodolphe.

– Oui, repondit Marcel, chez Momus. C'est Barbemuche qui l'a paye. Je n'aurais jamais suppose qu'une femme aussi delicate que Phemie put contenir autant de saucisson.

– Quel malheur que Momus nous ait retire nos entrees, dit Rodolphe.

– Helas! dit Marcel, les calendriers se suivent et ne se ressemblent pas.

– Est-ce que tu ne ferais pas bien reveillon? demanda Rodolphe.

– Avec qui et avec quoi? Repliqua le peintre.

– Avec moi, donc.

– Et de l'or?

– Attends un peu, dit Rodolphe, je vais entrer dans ce cafe ou je connais des gens qui jouent gros jeu. J'emprunterai quelques sesterces a un favorise de la chance, et je rapporterai de quoi arroser une sardine ou un pied de cochon.

– Va donc, fit Marcel, j'ai une faim caniche ! je t'attends la.

Rodolphe monta au cafe, ou il connaissait du monde. Un monsieur, qui venait de gagner trois cents francs en dix tours de bouillotte, se fit un veritable plaisir de preter au poete une piece de quarante sous, qu'il lui offrit enveloppee dans cette mauvaise humeur que donne la fievre du jeu. Dans un autre instant et ailleurs qu'autour d'un tapis vert, il aurait peut-etre prete quarante francs.

– Eh bien? demanda Marcel en voyant redescendre Rodolphe.

– Voici la recette, dit le poete en montrant l'argent.-Une croute et une goutte, fit Marcel.

Avec cette somme modique, ils trouverent cependant le moyen d'avoir du pain, du vin, de la charcuterie, du tabac, de la lumiere et du feu.

Ils rentrerent dans l'hotel garni ou ils habitaient chacun une chambre separee. Le logement de Marcel, qui lui servait d'atelier, etant le plus grand, fut choisi pour la salle du festin, et les amis y firent en commun les apprets de leur Balthasar intime.

Mais a cette petite table ou ils s'etaient assis, aupres de ce feu ou les buches humides d'un mauvais bois flotte se consumaient sans flamme et sans chaleur, vint s'asseoir et s'attabler, convive melancolique, le fantome du passe disparu.

Ils resterent, pendant une heure au moins, silencieux et pensifs, tous deux sans doute preoccupes de la meme idee et s'efforcant de la dissimuler. Ce fut Marcel le premier qui rompit le silence.

– Voyons, dit-il a Rodolphe, ce n'est pas la ce que nous nous etions promis.

– Que veux-tu dire? fit Rodolphe.

– Eh! mon Dieu! Repliqua Marcel, vas-tu pas feindre avec moi maintenant! Tu songes a ce qu'il faut oublier, et moi aussi, parbleu… Je ne le nie pas.

– Eh bien, alors…

– Eh bien, il faut que ce soit la derniere fois. Au diable les souvenirs qui font trouver le vin mauvais et nous rendent tristes quand tout le monde s'amuse! s'ecria Marcel en faisant allusion aux cris joyeux qui s'echappaient des chambres voisines de la leur. Allons, pensons a autre chose, et que ce soit la derniere fois.

– C'est ce que nous disons toujours, et pourtant… fit Rodolphe en retournant a sa reverie.

– Et pourtant nous y revenons sans cesse, reprit Marcel. Cela tient a ce que, au lieu de chercher franchement l'oubli, nous faisons des choses les plus futiles des pretextes pour rappeler le souvenir; cela tient surtout a ce que nous nous obstinons a vivre dans le meme milieu ou ont vecu les creatures qui ont fait si longtemps notre tourment. Nous sommes les esclaves d'une habitude, moins que d'une passion. C'est cette captivite qu'il faut rompre, ou nous nous epuiserons dans un esclavage ridicule et honteux. Eh bien, le passe est passe, il faut briser les liens qui nous y rattachent encore; l'heure est venue d'aller en avant sans plus regarder en arriere; nous avons fait notre temps de jeunesse, d'insouciance et de paradoxe. Tout cela est tres-beau, on en ferait un joli roman; mais cette comedie des folies amoureuses, ce gaspillage des jours perdus avec la prodigalite des gens qui croient avoir l'eternite a depenser, tout cela doit avoir un denoument. Sous peine de justifier le mepris qu'on ferait de nous, et de nous mepriser nous-memes, il ne nous est pas possible de continuer a vivre encore longtemps en marge de la societe, en marge de la vie presque. Car enfin, est-ce une existence que celle que nous menons? Et cette independance, cette liberte de m?urs dont nous nous vantons si fort, ne sont-ce pas la des avantages bien mediocres? La vraie liberte, c'est de pouvoir se passer d'autrui et d'exister par soi-meme; en sommes-nous la? Non! Le premier gredin venu, dont nous ne voudrions pas porter le nom pendant cinq minutes, se venge de nos railleries et devient notre seigneur et maitre le jour ou nous lui empruntons cent sous, qu'il nous prete apres nous avoir fait depenser pour cent ecus de ruses ou d'humilite. Pour mon compte, j'en ai assez. La poesie n'existe pas seulement dans le desordre de l'existence, dans les bonheurs improvises, dans des amours qui durent l'existence d'une chandelle, dans des rebellions plus ou moins excentriques contre les prejuges qui seront eternellement les souverains du monde: on renverse plus facilement une dynastie qu'un usage, fut-il meme ridicule.

Il ne suffit point de mettre un paletot d'ete dans le mois de decembre pour avoir du talent; on peut etre un poete ou un artiste veritable en se tenant les pieds chauds et en faisant ses trois repas. Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, si l'on veut arriver a quelque chose, il faut toujours prendre la route du lieu commun. Ce discours t'etonne peut-etre, ami Rodolphe, tu vas dire que je brise mes idoles, tu vas m'appeler corrompu, et cependant ce que je te dis est l'expression de ma pensee sincere. A mon insu, il s'est opere en moi une lente et salutaire metamorphose: la raison est entree dans mon esprit, avec effraction, si tu veux, et malgre moi peut-etre; mais elle est entree enfin, et m'a prouve que j'etais dans une mauvaise voie et qu'il y aurait a la fois ridicule et danger a y perseverer. En effet, qu'arrivera-t-il si nous continuons l'un et l'autre ce monotone et inutile vagabondage? Nous arriverons au bord de nos trente ans, inconnus, isoles, degoutes de tout et de nous-memes, pleins d'envie envers tous ceux que nous verrons arriver a un but, quel qu'il soit, obliges pour vivre de recourir aux moyens honteux du parasitisme, et n'imagine pas que ce soit la un tableau de fantaisie que j'invoque expres pour t'epouvanter. Je ne vois pas systematiquement l'avenir en noir, mais je ne le vois pas en rose non plus; je vois juste. Jusqu'a present, l'existence que nous avons menee nous etait imposee; nous avions l'excuse de la necessite.

Aujourd'hui nous ne serions plus excusables; et si nous ne rentrons pas dans la vie commune, ce sera volontairement, car les obstacles contre lesquels nous avons eu a lutter n'existent plus.

– Ah ca! dit Rodolphe, ou veux-tu en venir? a quel propos et a quoi bon cette mercuriale?

– Tu me comprends parfaitement, repondit Marcel avec le meme accent serieux; tout a l'heure, ainsi que moi, je t'ai vu envahi par des souvenirs qui te faisaient regretter le temps passe: tu pensais a Mimi comme moi je pensais a Musette; tu aurais voulu, comme moi, avoir ta maitresse a tes cotes. Eh bien, je dis que nous ne devons plus ni l'un ni l'autre songer a ces creatures; que nous n'avons pas ete crees et mis au monde uniquement pour sacrifier notre existence a ces Manons vulgaires, et que le chevalier Desgrieux qui est si beau, si vrai et si poetique, ne se sauve du ridicule que par sa jeunesse et par les illusions qu'il avait su conserver. A vingt ans, il peut suivre sa maitresse aux iles sans cesser d'etre interessant; mais a vingt-cinq ans il aurait mis Manon a la porte, et il aurait eu raison. Nous avons beau dire, nous sommes vieux, vois-tu, mon cher; nous avons vecu trop et trop vite; notre c?ur est fele et ne rend plus que des sons faux; on n'est pas impunement pendant trois ans amoureux d'une Musette ou d'une Mimi. Pour moi, c'est bien fini; et, comme je veux divorcer completement avec son souvenir, je vais actuellement jeter au feu quelques petits objets qu'elle a laisses chez moi dans ses diverses stations, et qui me forcent a songer a elle quand je le retrouve.

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